Version intime des “Sept Paroles du Christ” au Temple du Foyer de l’âme
Composées en 1786 pour l’église espagnole Santa Cueva de Cadix, Les Sept Dernières Paroles du Christ en croix connurent plusieurs adaptations de la plume du compositeur Joseph Haydn, ou d'autres. D’abord orchestrale, l’œuvre offrait des temps de méditation entre les interventions du prêtre rappelant les propos du christ crucifié. Désireux de diffuser son œuvre, Joseph Haydn l’adapte pour quatuor à cordes (avec les paroles latines en épigraphes). Il autorise une version pour piano seul et apprécie une version pour chœur en allemand, qui l’incite à composer un véritable oratorio.
La Chapelle Rhénane s’inscrit donc dans cette tradition de l’adaptation et un scrupuleux respect de l’œuvre, imaginant une version pour quatuor vocal et quatuor à cordes. Plongeant l’auditeur dans une écoute attentive et même de recueillement, le quatuor vocal débute par un Beati Pauperes - Beati Pacifici, chanté a cappella depuis l’étage du temple, caché derrière un pilier pour donner l’impression d’un chant venant d’ailleurs. Le quatuor à cordes s’installe alors et l’oratorio s’enchaîne. Les quatre chanteurs s'étant installés derrière eux font preuve d’un travail minutieux, autant sur la prononciation de l’allemand que sur sa mise en valeur par des intentions expressives, sensibles et toujours efficientes. Les courtes parties de récitation en homorythmie (les voix sur un même rythme) et a cappella laissent toutefois apparaître des petites fragilités d’homogénéité et de justesse, qui restent néanmoins minimes. Les sept petites sonates instrumentales qui commentent les paroles du Christ sont toutes empreintes d’une conscience affirmée de la signification du texte.
La soprano Hélène Walter fait entendre une voix légère, tendrement fine et lumineuse avec des aigus bien dosés, offrant à propos comme un éclat délicat. La mezzo-soprano Salomé Haller montre également une tendresse dans ses phrasés en plus d’un soin prononcé du texte. Ses aigus sont libres et les graves se font présents sans trop de chaleur. Le soutien manque parfois de stabilité mais pourtant jamais d’assurance. Benoît Haller est non seulement le directeur musical -et fondateur- de La Chapelle Rhénane, mais il présente aussi ce soir son chant de ténor. Son phrasé est impeccablement dirigé et ses intentions toujours limpides, bien que la tessiture parfois un peu aiguë l’oblige souvent à passer en voix de tête pour conserver l'équilibre de l'harmonie. Enfin, le baryton-basse Pierre-Yves Cras fait entendre sa voix pleine, agréablement chaleureuse avec des propositions subtiles et d'une puissance dosée avec justesse.
Les musiciens du Quatuor 1781 font preuve de leur haute connaissance du style classique et de ce compositeur (leur nom même est un hommage au cycle de quatuors composés par Haydn en 1781), avec une maîtrise des contrastes et des attaques aussi franches que souples. Le timbre de leurs instruments est riche en harmoniques, avec une légère acidité qui donne une teinte lumineuse que le grain sonore des cordes vient équilibrer.
Souvent très éloquent, sachant prendre la parole comme se mettre en retrait lorsqu’il le faut, le premier violoniste Guillaume Humbrecht emmène ce quatuor à cordes qu'il a fondé (le programme rappelle par ailleurs qu'il "mène fidèlement l’orchestre de la Chapelle Rhénane depuis plus de 10 ans"). Au violon 2, Koji Yoda offre également des traits très élégants, tels ces bariolages qui illustrent la douce promesse du Père au Fils sacrifié. L'ensemble du discours est ainsi rendu de manière limpide et précise, malgré un style particulièrement exigeant.
Le public accueille chaleureusement cette version, plus intime qu’avec chœur et orchestre mais n'en déployant pourtant pas moins de sa puissance évocatrice. Bien qu’il soit difficile d’ajouter quoi que ce soit après ces dernières paroles, les artistes offrent en bis le tendre Ave verum corpus de Mozart : comme un écho offert entre ces deux compositeurs emblématiques du classicisme viennois et de la musique Classique.