La Belle Hélène par l'Atelier Lyrique de Bourgogne
Récemment reprise par Stéphanie Gastaud, fille du fondateur et baryton Serge Gastaud disparu en mars 2022, l’Atelier lyrique de Bourgogne est toujours porté par son désir de mêler professionnels et passionnés autour de l’art lyrique et plus particulièrement l’opérette. Pour débuter sa nouvelle saison lyrique avec autant d’âme que de réjouissance, l’ALDB propose le pétillant opéra-bouffe de Jacques Offenbach, La Belle Hélène, dans le Théâtre municipal des Feuillants à Dijon.
Pour mettre en scène cette amusante mise en musique de la ruse du prince troyen Pâris pour enlever la reine Hélène de Sparte, femme de Ménélas, c’est Carlo Di Angelo qui est à la manœuvre. Avec Hélène Favier, il propose un décor minimaliste mais efficace grâce à quelques colonnes pour délimiter l’espace scénique et quelques mobiliers et accessoires pour situer les trois actes. Le deuxième notamment avec deux lits et un grand rideau de tulle blanc plonge avec simplicité dans la chambre de la plus belle femme du monde. Les costumes, signés Zazie Passajou, gardent cette efficacité, rehaussée de beauté, surtout -bien sûr- pour les robes de la reine, élégantes sans être exubérantes. L'espace scénique relativement libre devient un lieu idéal pour servir une œuvre animée par une alternance d’airs aux mélodies prenantes et d’interventions parlées souvent comiques.
Le plateau vocal est dominé par le rôle-titre : Laurence Janot a du métier et montre que La Belle Hélène peut pleinement s'enrichir d'une belle expérience de la vie et de la carrière. Avec sa superbe chevelure blonde et son jeu équilibriste de diva, Laurence Janot allie dans ce personnage royal un caractère fier et pourtant fragile, tiraillé par les apparences et son amour dévorant (voire ridicule) pour Pâris déguisé en jeune berger. Son timbre vocal se fait rond, doucement lumineux dans les aigus qui sont bien maîtrisés pour offrir des nuances sans risquer de trop fatiguer. L’ensemble de la tessiture se fait ainsi homogène et fait entendre des graves moelleux bien présents. Les vocalises sont conduites, sans exubérance, à l'image d'une interprétation à l'amusement naturel, servant le texte de manière limpide.
Siegfried Bernard en Pâris montre aussi qu’il a du métier avec un phrasé intentionné au service d’un texte très compréhensible, mais la voix se montre très vite fatiguée. Les aigus qui se rappellent à leur socle de vigueur peinent à s’épanouir et passent en voix de tête. Benoit Jeannes est comédien avant d’être chanteur mais allie son sens du rythme et sa présence en Calchas. Partageant de savoureux jeux de mots et des mimiques hilarantes, il fait également preuve d’une énergie littéralement bondissante, qualités qui fascinent et amusent grandement le public.
Outre son travail de metteur en scène, Carlo Di Angelo occupe aussi la scène en endossant le rôle de Ménélas, dont les malheurs risibles font le plus grand plaisir du public. Amusant comédien au léger accent italien, il se fait chanteur à la voix de ténor vaillante.
Le charmant et insolent Oreste est interprété par Fabio Sitzia. Sa présence vocale se montre souvent sûre, soutien particulièrement appréciable pour le chœur, tandis que celle scénique peut encore gagner en assurance, ses gestes et ses regards trahissant une attention encore très marquée. Le roi des rois Agamemnon est incarné par Olivier Togni dont le timbre, posé et aux teintes nobles, pourrait encore gagner en largeur.
Le valeureux Achille prend les traits de Maël Alvestegui Iglesias, acteur relativement peu formé à l’art lyrique. Sa voix bien présente lorsqu'il parle dessine les promesses d'une voix chantée plus affirmée lorsqu’elle aura trouvé son timbre lyrique et un phrasé plus libre. Blanche Jouannic en Bacchis fait brièvement entendre une voix présente et fine qui donne envie d'en découvrir davantage en soliste.
Le chœur de l’ALDB bénéficie de membres solides, comme Emmanuelle Dorey et Pauline Moretti qui interprètent furtivement les rôles de Parthénis et de Léæna, lançant des moments entrainants. Cependant, certaines voix des artistes du chœur peinent désormais à maintenir la justesse et l’homogénéité. Les décalages avec l’orchestre sont fréquents, malgré de discrets téléviseurs sur les côtés de l'avant-scène pour retransmettre les gestes du chef.
Les dix-sept instrumentistes sont disposés dans le lointain, le chef d’orchestre Bruce Grant tout au fond faisant face au public. Sa gestuelle s'étirant souvent, il doit rester vigilant pour limiter les retards sur les départs. Il peut compter surtout sur le talent des musiciens, notamment le premier violon Thomas Lopez. L'ensemble permet d’avoir quelques bulles dans ce champagne sonore qu’est la musique de Jacques Offenbach. Enfin, la chorégraphe Caroline Queyras et ses quatre danseuses offrent un court ballet classique et élégant en ouverture du second acte.
Le public applaudit chaleureusement ce spectacle qui l’aura fait rire de bon cœur, manifestant son ravissement pour un genre qui donne toujours le sourire et envers cette équipe d’heureux passionnés.