L’Opéra de Massy fête ses 30 ans en Gala
Faire rayonner la culture (lyrique) dans les quartiers populaires, en plein cœur des “grands ensembles” : tel est le projet d’ampleur de ce lieu (qui sera surnommé “l’opéra au milieu des HLM”) voulu alors par le maire de Massy, Claude Germon, pour cette ville de banlieue parisienne ayant connu une vertigineuse évolution urbaine. Le 9 octobre 1993, l’Opéra de Massy, “mini Bastille” réalisé par les architectes Arturo Oliveras et Alain Aubert, est ainsi inauguré avec Teresa Berganza et l’Orchestre National de France. Première à être labellisée “Scène conventionnée lyrique”, cette institution poursuit son action et doit d’ailleurs être prochainement (à l'été 2026) rejointe à Massy par l’installation de la Fabrique du Centre Pompidou.
Pour ouvrir cette semaine de festivités marquant les 30 ans de l’Opéra de Massy, son directeur Philippe Bellot (administrateur inaugural, qui a succédé au directeur inaugural et toujours président Jack-Henri Soumère) propose une soirée de Gala avec un programme concocté par Dominique Rouits, chef fondateur de l’Orchestre de l’Opéra de Massy. Le charismatique maestro, très à l’aise devant ce public qui le connait et l’apprécie particulièrement, présente les œuvres au fil de la soirée, expliquant ce panorama de l’opéra, art total qui fait vivre tant d’émotions, de la jalousie à la réjouissance en passant évidemment par l’amour et le chagrin. Les extraits font également écho aux productions ayant marqué les 30 saisons de la maison massicoise avec en complément des vidéos d’archives projetées en noir et blanc en fond de scène.
Quatre jeunes solistes, ayant eux-mêmes particulièrement marqué le souvenir du public de l’Opéra de Massy, sont invités à participer à cette soirée anniversaire. La soprano Gabrielle Philiponet offre sa voix de velours soutenue par un vibrato large qui lui donne présence et sensibilité. Ses aigus lumineux, bien que parfois un peu bas, impressionnent son auditoire, particulièrement son brillant aigu final du "Dis-moi que je suis belle" extrait de Thaïs (Massenet). Avec Armando Noguera, elle offre le duo de cet opéra “C’est toi, mon père” très apprécié du public pour leur expressivité autant scénique que vocale. Le baryton ne manque en effet pas de conviction, faisant entendre une voix pleinement projetée, puissante et néanmoins nuancée. La largesse de sa ligne de chant séduit, l’expressivité de sa ligne vocale captive, notamment lorsqu’il incarne Valentin du Faust de Gounod avec l’air « Avant de quitter ces lieux ».
La mezzo-soprano Éléonore Pancrazi interprète “Près des remparts de Séville” du Carmen de Bizet avec une voix agréablement texturée, assez lumineuse dans le médium et même légèrement cuivrée dans les graves. Ses aigus sont un peu moins sûrs, mais elle ne manque toutefois aucunement de sensibilité ni d’agilité.
Le ténor Jean-François Marras, qui avait déjà ému le public essonnien dans la production Carmen Al-Andalus au Théâtre de Brunoy, chante de nouveau “La fleur que tu m’avais jetée”. L’intensité expressive de son interprétation et son timbre chaud pallient ses aigus un rien fatigués en fin d’airs, sa gorge y s'y resserrant.
Sous la direction active de Dominique Rouits, l’Orchestre de l’Opéra de Massy fait entendre une pâte sonore toute particulière, comme un élixir de jeunesse lyrique, équilibré et coloré. L’ouverture de Semiramide de Rossini manque pourtant d'abord de pétillance et d’affirmation, avec peu de contrastes et quelques maladresses de dynamiques. Les pizzicati sont légèrement pressés, mais le charme des mélodies aux vents, virevoltants, apporte bientôt le souffle de la jeunesse.
Le public, ravi, a droit au traditionnel bis, le célébrissime "Libiamo" de La Traviata. Frappant des mains avec allégresse, lors de la ritournelle « Buvons ! […] Ah, Réjouissons-nous ! », célébrant ainsi cet anniversaire et souhaitant longue vie et bonne santé à l’Opéra de Massy.