Paris Opéra Compétition : plumes et paillettes, tout en brillance !
La soirée est présentée par Roselyne Bachelot qui annonce tout de suite la couleur : les candidats de cette 8ème édition sont exceptionnels ! Et force est de constater que l'ancienne Ministre de la Culture n'a pas fait dans l'hyperbole. Se succédant dans un programme mêlant sentiers battus et moins battus, les dix chanteurs déploient leurs qualités vocales, musicales et scéniques qui annoncent des carrières très prometteuses pour beaucoup d'entre eux. Ils sont accompagnés pour l'occasion par l'Orchestre des Frivolités Parisiennes, dirigé par Victor Jacob, qui sait être très à l'écoute des chanteurs, et mener les musiciens d'une main souple mais assez ferme pour rattraper les légers dérapages. Les instrumentistes apportent beaucoup de légèreté, de joie et d'enthousiasme à toute la soirée, à l’aise dans tous les styles et toutes les époques. Pour se disputer les trois prix du jury et le prix du public, quatre sopranos, deux mezzos, deux ténors et deux barytons interprètent un programme composé aussi bien d’airs que de duos, allant de Georg Friedrich Haendel à Riccardo Zandonai en passant par Mozart, Gluck, Bellini, Donizetti mais aussi Wagner, Verdi et Humperdinck. Ces œuvres leur offrent autant d'occasions de mettre en valeur la vocalité de chacun.
La mise en espace simple et efficace de Florence Alayrac donne beaucoup de fluidité à l'ensemble, tandis que le costumier Nicolas Aubagnac s’est visiblement beaucoup amusé à vêtir les candidats d’un déluge de paillettes, perles, plumes et sequins dans un style art déco réjouissant et chic, mais qui frôle pour certains le déguisement. Les dessins de Céline Pagan servent de décors et illustrent chaque scène dans des tons chauds et dans le même style art déco que les costumes.
Recevant à la fois le Prix du Public et le 1er Prix du Jury, la soprano française Lauranne Oliva, plus jeune candidate de la soirée et qui concourra le mois prochain pour Voix Nouvelles, montre du haut de ses 23 ans un grand lyrisme vocal ainsi qu’un timbre délicat, une grande maîtrise de la virtuosité et de la technique (mais parfois trop en arrière). La voix ne demande qu’à se développer avec les années pour devenir certainement celle d’une grande soprano lyrique léger.
En deuxième position, la Norvégienne Hedvig Haugerud est une soprano comme il en existe peu, surtout à 28 ans. Sa voix se déploie (et le frisson avec), souple et soyeuse, avec une puissance qui n’empêche pas des nuances pianissimo inattendues.
La soprano franco-américaine Julie Roset (qui participera le mois prochain à Operalia) est couronnée du troisième prix, après sa démonstration technique impressionnante. Son timbre cristallin de colorature lui permet des vocalises d’une agilité marquante, et sa précision technique lui offre une grande aisance dans le style mozartien, mais la puissance et la projection manquent de manière notable (elle se retrouve rapidement couverte par l’orchestre ainsi que par le baryton qui lui donne la réplique dans le duo Figaro-Susanna).
Les autres candidats ne recevront pas de prix, mais n'auront pas démérité, loin s’en faut, et le simple fait d’avoir pu se produire dans une telle salle devant un jury très prestigieux pourra certainement leur ouvrir des portes. Christopher Sokolowski, ténor américain, montre notamment une maturité technique bien supérieure à son âge, qui lui permet de maitriser les multiples facettes de sa voix au velours chatoyant. Il fait preuve également d’une puissance wagnérienne, mais aussi d’une intelligence de la scène qui dénote une certaine expérience.
Le Chilien Gonzalo Quinchahual a tout ce qui peut être attendu d’un ténor léger : brillance sans nasalité, longueur de souffle, projection harmonique, mais également une diction irréprochable.
Du côté des barytons, le Serbe Milan Perišić impressionne scéniquement, mais aussi vocalement avec des graves aussi sonores et brillants que les aigus. Cependant, il chante de manière trop ouverte ce qui lui fait perdre en timbre et en précision.
Ossian Huskinson (Royaume-Uni), quant à lui, compense un léger manque de brillance vocale par une grande personnalité scénique, toujours accompagnée d’un sourire coquin et charmant. Malheureusement, il ne prête pas toujours assez attention à l’orchestre et au chef, et il se retrouve parfois en décalage.
La mezzo-soprano allemande Valerie Eickhoff installe immédiatement son timbre charmant et élégant, sa voix chaude et souple, ses vocalises vivantes et animées, tandis que sa compatriote soprano Jasmin Delfs fait montre d’une grande aisance, d’une voix de colorature très timbrée mais qui manque légèrement de puissance. Enfin, la mezzo turque Seray Pinar déploie une voix très longue, mais un timbre un peu terni et des aigus un peu poussés.
Avant l'annonce des résultats, les candidats se réunissent tous sur scène pour le finale des Noces de Figaro enlevé et joyeux, réjouissant le public. Roselyne Bachelot conclut cette belle soirée en invitant les spectateurs pour la 9ème édition la saison prochaine.