La Jeunesse musicale d’Ukraine ouvre la saison de BOZAR
Tandis que les enfants retournent sur les bancs de l’école durant ce mois de septembre, d’autres font face à des douleurs que le chant permet ici de souligner avec dignité. L'œuvre musicale d’Evgeni Orkin est basée sur les textes du "militant, auteur de livres pour enfants et poète" Volodymyr Vakulenko (qui a été tué en 2022 dans l'Oblast de Kharkiv). Un père tente d’y expliquer le monde d’avant guerre à son fils autiste, soulignant le contraste cruel d’une réalité qu’ils ne connaissent plus.
Moderne et empreinte de musique traditionnelle, parfois religieuse (musique de procession ou de messe) la partition d'Evgeni Orkin confronte et fait disparaître des éléments sonores évoquant l’harmonie de la nature contre les sons plus martelés et violents des percussions, impressionnantes de réalisme martial. Le compositeur présent, écoute parmi l’auditoire avec émotion.
Au cœur de ce voyage, le Youth Symphony Orchestra of Ukraine qui réunit des interprètes de 12 à 22 ans de toute l’Ukraine, est dirigé par sa fondatrice (en 2016), Oksana Lyniv -cheffe ukrainienne, première femme de l’histoire à diriger à Bayreuth et première directrice musicale de l'histoire en Italie. Alliant précision et maîtrise, sa baguette reste complice avec ses musiciens, directe et protectrice, modelant cette musique partagée entre des éléments extrêmement froids et durs, et la luminosité colorée et chaleureuse d’une musique plus proche de l’enfance.
Les jeunes chanteurs des chœurs d'enfants (chorale de filles "Vognyk" et de garçons "Dzvinochok" dirigés par Olena Solovey) parviennent à unir leurs voix dans une concorde fédératrice, haut placée et limpide. Les timbres très aigus s’affirment vers l'angélique, cherchant et offrant une échappatoire vers les cimes, dans ce moment qui les traversent aussi visiblement de mémoires douloureuses (l’une des jeunes choristes est assaillie par des torrents de pleurs).
Accompagnant le père narrateur, trois voix solistes jouent le rôle de témoins de l'occupation. Leurs voix reposent sur un équilibre. Tous n’interviennent que sporadiquement dans cet opus ne dépassant pas une heure, partagés entre des passages parlé en anglais, et des chants en ukrainien. La soprano Yuliia Tkachenko tient sa voix droite avec une fermeté et une tenue élégante, qu’elle enrichit et ornemente avec pudeur et fait briller parfois. Plus discrète, la mezzo-soprano Valentina Pluzhnikova offre une présence vocale rassurante, profonde et maternelle. Douce et chaleureuse, la soliste s’accorde au sujet avec pudeur. La voix profonde du baryton Andrei Bondarenko s’impose par son déploiement, sa régularité, son phrasé sobre et précis.
En seconde partie de concert, le Premier Concerto pour violon et orchestre de Max Bruch offre au jeune soliste Dmytro Udovychenko une apparition très remarquée par sa précision et sa maîtrise, généreuse en couleurs.
Le public décerne aux deux opus une standing ovation, applaudissant la cause et les interprètes réunis. De nombreux membres du public scandent Слава Україні (Gloire à l'Ukraine). Cette soirée montrant combien (sur)vie et musique sont indissociables se referme sur l’hymne du pays.
Standing ovation after a very moving concert of Youth Symphony Orchestra of #Ukraine in Brussels Bozar. World premiere of the oratorio Daddy's Book by Yevhen Orkin, based on texts of children's books writer Volodymyr Vakulenko, tortured and killed near Kharkiv in December 2022. pic.twitter.com/xDiVsRopk4
— Arnoldas Pranckevičius (@APranckevicius) 5 septembre 2023