Jonathan Tetelman : ténor romantique et héroïque au Festival de Peralada
Le public est venu nombreux à l’église du Carmen pour entendre un artiste en pleine ascension : Jonathan Tetelman, ténor états-unien d’origine chilienne. Son parcours et son profil vocal ont de quoi retenir l’attention : il a débuté sa formation en tant que baryton. Cela s’entend dans sa voix richement ornée dans le médium, avec un solide ancrage dans le poitrail, amplifié dans les sinus mais jamais nasal. De quoi le rapprocher du « spinto » ou « lirico spinto », cette technique de chant éclatante et puissamment projetée, très employée dans le répertoire romantique italien de Verdi et Puccini.
D'aucuns pourraient lui reprocher quelques attaques un peu dures. Certaines notes tenues dans le médium mériteraient d’être plus ouvertes aux harmoniques aiguës. Sa voix n’en possède pas moins une suavité, une tendresse, qui sied à l’écriture belcantiste des Tre sonetti di Petrarca de Franz Liszt, donnés en ouverture du récital. Sa palette technique est riche et variée. Il sait contenir son émission sur des diminuendi subtils, l’affiner jusqu’au simple voisement tremblé avec émotion. À l’opposé, il maîtrise l’aigu forte rugi à pleine voix, répercuté dans toute l’église. Assurément de quoi faire frémir un auditoire, qui ne manque pas de l’acclamer.
En matière de virtuosité technique, son accompagnateur Daniel Heide n’est pas en reste. Par trois fois, il a l’occasion de s’illustrer sur des pièces pour piano solo. D’abord, sur la Valse oubliée no 1 de Franz Liszt, il fait sentir toute la densité mélodique d’inspiration wagnérienne. Puis son jeu fiévreux égraine avec agilité les accords d’Asturias d’Isaac Albeniz en une danse enflammée. Entre ces deux pièces, il interprète avec passion le deuxième mouvement de la Pathétique de Beethoven, ajout de dernière minute au programme.
La seconde partie du concert comporte quelques surprises, en napolitain d’abord avec quatre mélodies de Paolo Tosti et Ernesto de Curtis entonnées avec un lustre Pavarottien. Jonathan Tetelman chante ensuite en castillan, Granada du compositeur mexicain Agustín Lara, puis un air de zarzuela de Pablo Sorozábal (No puede ser, tiré de La taberna del puerto), avec brio, ponctuant les deux pièces d’un aigu triomphal. Enfin, il achève son récital en véritable showman, invitant toute la salle à taper dans les mains sur l’air de Funiculì funiculà (un autre chant populaire napolitain de Luigi Denza commémorant le funiculaire du Vésuve).
Cette antépénultième journée du festival de Perelada aura par ailleurs été marquée par l’annonce du remplacement de Xabier Anduaga, souffrant. C’est finalement le jeune ténor américain Jonah Hoskins qui chantera en compagnie de la soprano Serena Sàenz le 5 août pour la dernière soirée du festival (compte-rendu à suivre sur nos colonnes).