Le Messie surprend encore avec Hervé Niquet au TCE
Œuvre la plus célèbre de Haendel, Le Messie fut pourtant composé très rapidement (en 24 jours durant l'été 1741) et fut joué 36 fois du vivant du compositeur. C’est une œuvre théâtrale sacrée pour orchestre avec basse continue (tantôt à l’orgue tantôt au clavecin). Elle alterne récits, airs solistes et chœurs, musique douce et victorieuse. Différents styles se côtoient : style français (l’ouverture), style italien (airs à vocalises) et style allemand (nombreuses fugues). Le Messie évoque un épisode de l’histoire sainte en trois parties : l’annonce de la venue de Jésus et la Nativité, la Passion du Christ et son triomphe, et en troisième partie le rôle du Messie dans la vie après la mort.
La première partie débute par une ouverture à la française remarquable avec son rythme doublement pointé. Hervé Niquet, à la tête de son ensemble Le Concert Spirituel la dirige de façon très chorégraphique et déploie de grands gestes. Il se promène devant les instrumentistes, faisant parfois face au public. Sa direction non conventionnelle nous fera entendre un Messie plein d’énergie et de surprises, rendant très personnelle sa vision de l’œuvre. Le premier récit (comfort ye) et air (ev’ry valley) du ténor montre le génie théâtral de Haendel. Rupert Charlesworth l’interprète à merveille. Il commence par des sons filés piano qu’il développe en faisant entendre un beau timbre très riche en harmoniques et interprète avec aisance et souplesse les vocalises de l’air.
Après un chœur, Robert Gleadow (basse) s’avance pour une courte intervention qui sera très remarquée. Sa voix est puissante, son vibrato ample et il vocalise de façon très détachée. Son implication est extrême, comme en témoignent les nombreux mouvements et gestes qui relèvent peut-être plus d’un rôle d’opéra (il vient d’interpréter Leporello aux côtés de Don Giovanni dans ce même théâtre : notre compte-rendu vous attend ici).
Robert Gleadow (© Keith Penner)
La mezzo-soprano, Anthea Pichanick, chante deux airs entrecoupés d’un chœur vocalisant. Sa voix homogène, son beau timbre amènent une certaine douceur. Mais, dans le deuxième air, elle semble moins à l’aise, ses graves manquent de présence. Le chœur poursuit avec « for unto us a child is born ». Les entrées se suivent en imitation, avec des vocalises que le chef accompagne de petits mouvements des doigts. Le Chœur du Concert Spirituel très homogène, très souple et véloce annonce l’entrée de la soprano, Sandrine Piau, et le fameux « rejoice ». La chanteuse rend parfaitement l’allégresse de la musique de par sa voix aérienne, son phrasé subtil, son style irréprochable.
La deuxième partie s’ouvre avec le chœur « behold the lamb of God » qui impulse dès ce début une intensité dramatique de par sa vitesse. Le chœur est à l’honneur, les différents numéros s’enchainent à un rythme soutenu. On y entend aussi bien une écriture en fugue que des moments d’homorythmie. L’orchestre soutient cette intensité avec des battements aux cordes, des rythmes très pointés. L’ensemble réalise de beaux élans de phrasé aux nuances très prononcées. Les solistes ne sont pas en reste. Si la mezzo semble peiner un peu à coller au rythme ardent impulsé par le chef, le ténor est très touchant et offre un chant plein de nuances. Le phrasé délicat de la soprano gagnerait à être plus soutenu et la basse dans cette partie est en parfaite adéquation avec la proposition de l’orchestre.
Le chœur « let us break their bonds » est extraordinaire. L’auditeur est tenu en haleine jusqu’au très célèbre « Hallelujah » qui conclut cette deuxième partie. On pourrait s’attendre à un Hallelujah victorieux et explosif, cependant Hervé Niquet surprend en le démarrant piano, donnant une idée de lointain. Avec l’arrivée des trompettes, la nuance s’intensifie pour terminer en un chant victorieux.
La troisième partie commence dans la douceur avec l’air de soprano « I know that my redeemer liveth ». Sandrine Piau nous fait entendre de magnifiques sons piano. Le chœur suivant témoigne de la grande variété d’écriture de Haendel. Il alterne un style choral a capella « since by man came death... » et un allegro éclatant, « ...by man came also the resurrection ». La basse déploie sa voix ample dans « the trumpet shall sound » avec une certaine énergie qu’il a quelque peu de mal à canaliser physiquement. D’une gestique théâtrale, Hervé Niquet conclut magistralement l’œuvre dans le « amen » final.
Suivez ces liens pour réserver vos places afin de voir : Robert Gleadow en Leporello à Versailles du 21 au 26 mars, puis Hervé Niquet et Véronique Gens dans ce Théâtre des Champs-Élysées pour La Reine de Chypre de Jacques-Fromental Halévy le 7 juin.