Ouverture verdienne avec Freddie De Tommaso au Festival Perelada 2023
L’année 2023 restera gravée dans l’histoire du Festival au Château de Peralada, qui malgré la crise touchant le monde culturel, inaugurait en avril dernier un Festival de Pâques (une étape importante qui l'inscrit sur la carte culturelle aux côtés des Salzbourg, Baden-Baden ou encore Aix-en-Provence qui proposent aussi leurs réjouissances pascales). Un autre projet marquant est la construction d’un nouvel Auditorium -pérenne et non pas démontable- de 1566 places, intégré dans les espaces du jardin et éco-responsable, enrichi d’une école d’arts de la scène et d’un espace d’expositions (l’ouverture est prévue pour 2024 avec une production d’Aida par Paco Azorín -venue du Liceu- avec Sondra Radvanovsky, Piotr Beczała, Carlos Álvarez et Anita Rachvelishvili).
Compte tenu de ces travaux, cette 37ème édition ne propose exceptionnellement pas de grand spectacle scénographié. De format plus modeste et compact, la quasi-totalité des concerts (principalement des récitals vocaux) se tient dans l’église du Carmen. Enfin, le Festival change de nom, passant du "Festival Castell de Peralada" à celui de "Festival Perelada", se distinguant du château fortifié et renforçant sa "marque" Perelada qui devient ainsi celle du Festival, mais aussi de son hôtel, restaurant et de sa gamme viticole.
Après avoir eu l’honneur de conclure le premier Festival de Pâques quelques mois plus tôt, Freddie De Tommaso et la pianiste Audrey Saint-Gil sont à nouveau invités, pour l’inauguration de cette nouvelle édition estivale. Le ténor britannique (de père italien) a choisi pour cette occasion un répertoire exclusivement verdien. La voix se déploie avec aisance et puissance, la projection est droite et lointaine. Cependant, le ténor mise excessivement sur le volume au détriment de l'expression, manquant souvent de relief et de clarté. Par ailleurs, son émission engendre de grandes réverbérations dans cette église du XIVe siècle, à l'acoustique résonnante. Le phrasé est belcantiste et en place stylistiquement, avec le souffle long et la juste articulation. Il entonne ainsi l'air de Luisa Miller ("Quando le sere al placido") avec une énergie combative, alors que les (six) romances de Verdi font valoir sa musicalité.
La pianiste Audrey Saint-Gil accompagne le soliste avec beaucoup de précision et de drame dans son jeu. Le toucher est leste et charnu, avec un usage généreux de la pédale (de résonance). Le jeu est parfois lui aussi trop volumineux et voilé dans les moments hautement dramatiques (le rendu sonore tonitruant voyant se croiser de multiples sons peu distincts). Elle se présente également en quelques pièces solistes, où sa technique est mise en valeur : le drame est toujours là, la dentelle polyphonique mise au net, mais la palette des nuances reste limitée.
Le public applaudit fortement les deux artistes, qui donnent en retour deux bis, dont E lucevan le stelle de Puccini plein de passion et de lamentation, touchant l'auditoire droit au cœur.