“Opéra !” : porte ouverte sur l’art lyrique au Festival de Toulouse
La soprano Anaïs Constans et le ténor Kévin Amiel, tous deux ayant étudié au Conservatoire de Toulouse, célèbrent l’“Opéra !” au sens large avec ce programme haut en couleurs, autour des répertoires italiens, français et espagnols. Soli, duos et scènes d’opéra s’enchaînent, entrecoupés d’interludes virtuoses au piano. Les interprètes profitent du large espace de l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines pour quelques mises en espace de leurs scènes : bougeant autour du piano, sortant de plateau bras dessus bras dessous à la fin d’un extrait de La Bohème, entre autres épisodes.
Anaïs Constans utilise sa voix de soprano avec finesse et sensibilité. Son timbre est tantôt cristallin, tantôt vibrant, et fait montre d’une souplesse et d’une agilité vocale remarquée. Elle joue généreusement de nuances piani et de messa di voce (conduite de voix sur le souffle), réservant ses forte pour les moments les plus puissants. Le texte est très compréhensible (quand la tessiture le permet, l’articulation étant mécaniquement plus difficile pour les voix plus aiguës en général), en français comme en italien. Sa ligne vocale et son phrasé sont guidés avec une grande maîtrise, comme dans l’air « Mi chiamano Mimi » (La Bohème), rôle qu’elle a récemment interprété au Capitole. À l’aise sur scène et dans son jeu, elle se libère encore davantage dans la partie Espagnole (dernière étape du récital), où elle embrasse l’affect hispanique avec plus de largeur vocale et en poitrinant davantage.
Kévin Amiel et son timbre de ténor lyrique se prêtent de façon convaincante à ces différents répertoires : l’esthétique du Bel Canto, sa ligne exigeante et les nombreux ports de voix inhérents au style lui semblent naturels (il ouvre le concert avec L’ultima canzone de Paolo Tosti, romance emblématique immortalisée par les plus grands ténors). Ses aigus sont puissants, et il sait trouver des nuances suaves et des piani du plus bel effet, quoiqu’il se place généralement sur le forte du spectre des nuances. Il peut parfois donner l’impression d’aller en force sur les extrêmes de sa voix, notamment sur ses graves, qui sont toutefois présents et sonores. Le répertoire français avec Roméo et Juliette ou Les Pêcheurs de perles lui est également naturel et sa diction est presque intégralement compréhensible. Doté d’une aisance scénique, il brille plus particulièrement dans la dernière partie du programme (Espagnol et Bis) où la mise à bas du quatrième mur lui permet d’être complètement libre et spontané, jouant, plaisantant et s’amusant avec le public, notamment en le faisant chanter « Sous le soleil de Mexico ».
Jean-Marc Bouget est un accompagnateur attentif et fait montre d’une grande finesse de jeu. Il suit parfaitement les nuances, inflexions et nombreux Rubato (souplesse rythmique) inhérents au style lyrique, tout en mettant en valeur les différentes voix et éléments mélodiques des réductions d’orchestre (souvent complexes et virtuoses) qu’il interprète. Ses soli de piano (très techniques également) complètent agréablement le périple du récital.
La réception du public est chaleureuse et les grands classiques de l’Opéra sont particulièrement appréciés. Toutefois, c’est la dernière partie du concert qui marque le plus les esprits : les artistes s’adressant directement à l’assistance, créant une proximité de plus en plus grande et une atmosphère générale de détente, agrémentée avec un répertoire espagnol rafraîchissant, avant de terminer le concert par un dernier bis : un arrangement de la chanson Toulouse de Claude Nougaro digne des plus belles mélodies françaises, harmonisée de façon très fine. Final accueilli par un tonnerre d'applaudissements et une standing ovation.