Purcell et Sainte Cécile en hommage à Kader Hassissi au Festival de Beaune
Plus bel hommage ne semble concevable pour Kader Hassissi, Cofondateur et Directeur du Festival de Beaune, décédé 15 jours après l'édition de l'année dernière, qui a œuvré avec tant d’enthousiasme et de persévérance au bon déroulement du Festival International d’Opéra Baroque et Romantique de Beaune depuis sa création en 1983, qu'avec la musique d’Henry Purcell, assurément un de ses compositeurs préférés, en cette soirée d’ouverture.
Le discours ému d’Alain Suguenot, Maire de Beaune, est suivi d’une intervention plus personnelle et vibrante d’Anne Blanchard (partenaire de Kader Hassissi à la direction et à la ville) et par quelques mots emplis de sensibilité prononcés par Paul McCreesh, un des grands fidèles de Beaune.
En effectif réduit, continuo et théorbe, la première partie du concert affiche plusieurs odes de Purcell dont le très prenant Let mine eyes run down with tears (Laisse les larmes couler de mes yeux), pour cinq voix mettant en musique un passage du livre biblique du Prophète Jérémie. Le dernier vers du texte notamment peut aisément s’appliquer à l’engagement sans faille de Kader Hassissi, Nous espérons en toi, car c’est toi qui as fait tout cela. Dans l’ode suivante O dive custos auriacae domus (Oh gardien de la maison) les voix de deux sopranos se mêlent et se complètent sous une forme assez italianisante pour mieux souligner la désespérance et la mort. Le programme se poursuit dans cette même richesse et intensité d'atmosphère signifiante, en Funeral Sentences (Sentences Funèbres) et Evening Hymn (Hymne du soir, sur un texte fort émouvant de William Fuller, évoquant l’âme du défunt et son repos éternel), jusqu'à l’Ode à Sainte Cécile.
Les sopranos Mhairi Lawson et Zoe Brookshaw forment un duo où la musicalité et l’expressivité l’emportent, la première possédant une voix un rien plus claire que la seconde. Lauren Lodge Campbell également soprano vient s’insérer avec talent dans l'Ode à Sainte-Cécile.
La voix au vibrato subtil du contre-ténor Tim Mead, son chant à la fois élégiaque et pourtant soutenu, son timbre pur et envoutant, sa façon de varier et de mettre en valeur chacun des Alléluias virtuoses, s’inscrivent avec une émotion palpable au sein de la nef de la Basilique Notre-Dame.
Le baryton-basse Ashley Riches fait résonner une voix longue aux graves appuyés, tandis que son collège Robert Davies déploie des moyens conséquents mais aussi un legato et un art du phrasé de haute qualité. Les deux ténors s’illustrent tout particulièrement : Matthew Long au timbre soyeux et Jeremy Budd à la voix moins légère sans doute, mais intense et se développant avec aisance dans le registre aigu.
Il va de soi que tous les solistes présents se mêlent aux artistes du chœur lors des interventions de ce dernier, offrant un résultat choral à l'image de l'instrumental, des plus séduisants. À la tête de l'effectif complet des Gabrieli Consort & Players, Paul McCreesh livre une interprétation vibrante et d’une élévation constante, guidée d’un geste simple et fluide, fondé sur son savoir et son amour profond de la musique baroque.
Les spectateurs présents en nombre applaudissent longuement à cette soirée d'Hommage plein et entier.