Chants Libres à Sorèze : orfèvrerie vocale dans un écrin médiéval
5CCC : échantillon de la diversité et de l’éclectisme des chœurs en Occitanie
L’idée de 5CCC est de mettre en lumière cinq chœurs amateurs locaux, présentant chacun un programme de courte durée (une vingtaine de minutes) comprenant entre autres une création pour l’occasion. La représentation devait initialement être itinérante dans la cité de Sorèze mais afin de préserver le public et les choristes des fortes chaleurs, les parties prévues en extérieur ont dû être déplacées. Seulement deux lieux ont donc été retenus : la chapelle pour amorcer le concert avec Cacimbo et la salle des bustes pour le reste du programme avec dans l’ordre les chœurs Saltarello, Concert Archipels, La Lauzeta et Fleur d’Espine.
Cacimbo est un quatuor féminin originaire du Tarn, orienté notamment vers la musique du monde. Le programme du jour donne un large aperçu des possibilités de ce chœur. Il va des chants traditionnels albanais et bulgares à la chanson française avec Dansez sur moi de Claude Nougaro. Les Cacimbo alternent les morceaux rythmés avec d’autres plus éthérés permettant de soutenir l’attention du public. L’alchimie entre elles se fait sentir et elles transmettent ainsi au public leur joie de chanter ensemble. Elles se donnent pleinement tant vocalement que corporellement pour faire vivre la musique et les solos sont exécutés avec ferveur et enthousiasme. Elles chantent le plus souvent a cappella, s’accompagnant vocalement entre elles et se rythmant par les accentuations et les onomatopées mais font épisodiquement intervenir des instruments dont elles jouent elles même : djembé, cristal Baschet et autres percussions. L’acoustique de la chapelle leur est très favorable et contribue même à donner une ambiance mystique à certains morceaux comme « Shkoj e vij flutrim » chant traditionnel albanais. La création contemporaine qu’elles présentent est une réinterprétation, issue de la classe de composition du conservatoire de Tarbes, d’un chant traditionnel pyrénéen « Malurosa vita que la de Pastor ». Son rythme est plutôt lent laissant la place à la poésie. Les choristes y chantent à tour de rôle des parties pendant que les autres accompagnent avec des notes bouches fermées. Il comporte également un puissant solo a cappella.
Changement de décor pour accueillir le jeune chœur Saltarello dans la salle des bustes. L’espace y est plus grand permettant d’accueillir un nombre plus important de choristes. Saltarello, ensemble de la filière voix du conservatoire de Narbonne, dirigé par Delphine Rode, est quasi-exclusivement féminin à l’exception d’un garçon qui semble chanter en voix de fausset (contre-ténor). Habitués des compositeurs ayant marqué l’histoire de la musique, ils chantent ici des arrangements contemporains. Le chœur est bien ensemble mais manque parfois d’affirmation qui viendra probablement avec l’âge. Il crée en présence de son compositeur Samuel Housse la pièce Remords posthume sur un texte assez cru de Baudelaire. Le compositeur dessine notamment les vers en longues lignes vocales continues pouvant évoquer l’impressionnisme musical français. Le chœur met toutes les nuances nécessaires à son interprétation et en saisit l’aspect progressif, emplissant de son volume, au point culminant de la partition, la totalité de la salle. Ils terminent le programme avec le White Winter Hymnal de Robin Pecknold dans sa version popularisée par Pentatonix et avec leur enchainement de percussions corporelles associé.
Saltarello est succédé par le Concert Archipels sous la direction de Claire Suhubiette qui présente un effectif mixte et sensiblement plus large. La qualité de ses chanteurs est remarquée dans leurs interventions solistes qui parviennent efficacement à se détacher de l’ensemble de même que par leur gestion de la respiration leur permettant des notes tenues dans le deuxième morceau de leur programme : Ubi caritas. Après deux morceaux en latin recomposés sur d’anciens textes liturgiques, ils créent en présence de son compositeur Lucas Sonzogni la pièce Per un cavalier associant un texte de Peronne Galibert sur la condamnation historique d’une femme pour sorcellerie à celui de la trobairitz Beatritz de Dia exprimant son désir pour un chevalier. C’est donc une pièce tout en contraste qu’a livrée le chœur malgré sa puissance contenue.
Retour de la jeunesse avec le chœur de La Lauzeta dirigé par Clotilde Sabatié. Un véritable travail est fait sur la mise en espace qui évolue tout au long du programme. En particulier lors de la création à sa fin de la pièce d’Olivier Goulet Dans les bois où la gestuelle rappelle la nature et l’oiseau évoqué dans le texte. Si l’hétérogénéité du groupe est bien audible au début du programme, l’implication des jeunes ainsi que la probable dissipation du trac amènent un son plus pur et une coordination plus régulière vers la fin.
Le chœur audois Fleur d’Espine sous la direction de son fondateur Olivier Boulicot impose sa dynamique dès son premier chant en latin, langue qu’il conserve pour deux autres textes du programme. Malgré son vaste effectif, il fait preuve d’écoute, parvenant à accompagner les solistes ou les détachements de groupes restreints avec subtilité. La profondeur et la résonance de ses pupitres de basses se démarquent particulièrement, par exemple dans le Sanctus de Vaclovas Augustinas. Ils créent La quête du secret de la Fleur d’Espine écrite et composée pour eux par Emmanuel Cerdan.
Les cinq chœurs finissent par tous se rassembler pour une dernière création commune : Lux. L’œuvre en six mouvements est composée par Florent Mamet qui assiste également à la représentation. La partition explore les atouts de chacun des ensembles tantôt séparés ou découpés en groupes spécifiques selon l’âge ou la tessiture tantôt rassemblés engendrant une puissance volumique importante. Elle offre également des couleurs chatoyantes dans les fluctuations du cinquième mouvement et met sous les projecteurs une soliste de Cacimbo lors du dernier. Sa voix lyrique arrive droit au chœur du public. Un crescendo final symbolise probablement le pouvoir de la lumière chassant l’obscurité du monde (au sens propre comme figuré). Toujours présents à la fin de chaque programme, les applaudissements sont d'un enthousiasme variable selon les différents chœurs. Ils sont en revanche particulièrement appuyés à la conclusion de "Lux".
Retrouvez la suite de ce programme dans la deuxième partie de cet article : “Un chœur, quatre chefs : Les Éléments chantent Méditerranée Sacrée” ainsi que notre grand format consacré à Chants Libres à travers les régions