Mozart Lyrique à La Seine Musicale
Les Talens Lyriques portent effectivement bien leur nom ce soir, pour ce programme réunissant des airs de concert et d'opéras (et même les pièces instrumentales chantent sous la direction de Christophe Rousset). Ils portent bien leur nom de Lyriques mais aussi de Talens, dans cette orthographe baroque (empruntée à Rameau qui composa Les Fêtes d'Hébé sous-titré Les Talens Lyriques). Ils interprètent en effet les morceaux du programme dans une esthétique baroque, celle qui a fait leur renommée dans les répertoires italiens et français qui infusent également leur jeu ce soir. Ce choix (si ç'en est un) qui peut sembler étonnant pour un programme consacré aux compositeurs en vogue à Vienne durant la période Classique, s'avère pleinement pertinent à y regarder (et écouter) d'un tout petit peu plus près : les compositeurs en question interprétés ici ayant apporté en Autriche l'Espagne (avec Vicente Martín y Soler qui composait à Vienne des opéras sur des livrets de Lorenzo da Ponte, indissociable de Mozart) et l'Italie (Antonio Salieri dont la rivalité avec Mozart a été grandement exagérée dans le film Amadeus adapté d'une pièce de Pouchkine qui a également inspiré un opéra à Rimski-Korsakov, mais également Giuseppe Sarti dont Mozart cite dans Don Giovanni l'air "Come un'agnello" de Fra i due litiganti, air interprété ce soir), et tout particulièrement à Vienne où ils côtoyaient Mozart et Joseph Haydn -également ce soir au programme.
La richesse du jeu des Talens Lyriques (sur instruments d'époques, une part essentielle de leur identité et de ce Festival Mozart Maximum) leur permet de passer d'un climat à l'autre, et ils enchaînent sans transition de la gloire à la déploration, du sérieux ou bouffon. Le programme de ce soir et le Classicisme en général ont en effet, aussi, ceci de "baroque" qu'ils sont fort variés, enchaînant les affects les plus opposés (mais l'orchestre se décale en marquant un peu le pas sur les tempi rapides).
Les accents et contrastes, les élans de cordes et de souffles surgissent aussi subitement qu'ils se replient avec autant de maîtrise et de contrôle, de flux et de reflux, d'accent que de tenue.
L'Ouverture de La Clémence de Titus résonne en un exemple de cette richesse : glorieuse et martiale, de coups de timbales et de cuivres, dans les résonances desquelles les cordes et bois déploient leur chant le plus souple et champêtre.
Les phrasés sont nourris de nuances et d'effets, très soudains ou filés. Ces contrastes s'expriment en particulier par un art du crescendo/decrescendo subito, dans la cadre d'un grand déploiement de nuances expressives, suivant la direction franche de Christophe Rousset. S'il n'hésite pas à se lancer dans de petits bonds pour animer les phrasés, sa direction est essentiellement structurée par plans sonores, privilégiant les mains à plat pour mieux trancher dans le vif du son qu'il obtient, levant simplement les doigts pour retenir tempo et volume ou les écartant pour faire respirer les phrasés avec douceur.
L'expressivité de la soirée est ainsi à l'orchestre, mais également dans la voix du chanteur ainsi que dans leur réunion d'autant plus expressive qu'elle est en oxymore. Tandis que l'orchestre tire Mozart et ses contemporains vers le passé baroque, Benjamin Appl les tire vers le futur romantisme (preuve de tout ce que permet le génie de ce compositeur, toute la richesse de son œuvre classique s'appuyant sur la richesse de l'héritage précédant et traçant l'avenir).
Son chant déploie sa grande longueur de souffle, appuyé sur une matière ductile et d'amples phrasés, toujours avec l'intensité de ses attaques et articulations projetées (exactement ce qu'il montrait de meilleur, justement dans le répertoire romantique la semaine précédente au Festival de Saint-Denis, où la variété du programme venait rompre ces élans nourris qu'il déploie ce soir).
La voix d'Appl tonne, sonne et résonne, animée de caractère, agile de phrasé, au volume nourri et déployé. Ses quelques regards sur la partition sur sa tablette sur son pupitre très bas (preuve qu'il en a peu besoin), entrainent des hésitations qui s'entendent au fait que sa voix ne s'entend plus alors (sans quoi ce sont les graves de la tessiture qui le trouvent peu audible).
I have never been to @LaSeineMusicale in Paris, but its such a beautiful hall to perform, located on an island in the Seine. Mozart and Friends programme with @talenslyriques and Christophe Rousset.#mozart #arias #salieri #haydn #martinysoler #paris #summer #happy pic.twitter.com/VaxwMsAcHE
— Benjamin Appl (@BenjaminAppl) 28 juin 2023
Les artistes sont fort chaleureusement salués, applaudis et rappelés. Le public ravi saisit déjà en sortant les flyers qui lui donnent rendez-vous la saison prochaine.
En attendant, vous pouvez retrouver La Carte-Guide complète des Festivals Classiques de l'été 2023 à cette adresse.