Étincelante Messe solennelle de Beethoven par Jordi Savall à la Philharmonie
À peine Jordi Savall monte-t-il sur scène qu’un tonnerre d'applaudissements retentit. Après Mozart et Schubert et du baroque au romantisme, le chef catalan conduit Beethoven, dont il a déjà dirigé (et enregistré) toutes les symphonies à la tête du Concert des Nations – mais ce soir sera entièrement consacré à sa Missa Solemnis et, dès les premières notes du Kyrie eleison, le public se retrouve emporté par l’émotion gigantesque de la musique.
Il faut dire que le chœur de La Capella Nacional de Catalunya démontre ce soir des trésors de rigueur, de souplesse et surtout, d’énergie. Le public est visiblement conquis par tant de dynamisme, dynamisme qui cependant ne manque ni de la rigueur, ni de la souplesse exigée par l’œuvre. Réparties en demi-cercle tout autour de la scène, les voix se répondent avec précision et clarté dans le Kyrie, impressionnantes ensuite dans la chevauchée du Gloria où elles donnent vie à la musique dans un éclatement de couleurs dû à la richesse de ses contrastes, éclatement qui d’ailleurs, n’enlève rien à l’intensité et à la tension, même dans les moments les plus piani, empreints de grande délicatesse.
Le Concert des Nations lui aussi se caractérise par une grande expressivité dans la moindre vibration, demeurant cependant dans la netteté et surtout, persévérant la solidité fondamentale nécessaire à l’interprétation. Jordi Savall opte quant à lui pour une direction à la fois fluide, leste, précise et directe, simple en apparence même dans son détail et son raffinement, lui-même étant presque imperturbable, laissant la musique parler d’elle-même sans la contraindre.
Les solistes ne sont pas en reste et chacun démontre, à sa façon, un bon travail de précision. La soprano Lina Johnson possède une voix dont elle veille, avec attention, à la souplesse et à la justesse, par ailleurs lumineuse, dotée d’une belle clarté qui se mêle aisément au mezzo-soprano d’Olivia Vermeulen et à son timbre plutôt cuivré. Cette dernière développe par ailleurs un chant souple et rond, précis et joliment contrasté dans un équilibre bien maîtrisé.
Quant aux voix d’hommes, le ténor Martin Platz propose une ligne de chant assez nette et dont il veille toujours, avec application, particulièrement concentré, à ce qu’elle demeure ainsi, pour un timbre très éclairé qui entre en harmonie avec celui des autres solistes. Enfin, Manuel Walser démontre un baryton de bonne tenue, contrasté de nuances elles aussi assez claires, dans une voix assez épaisse qui au moment de l’Agnus Dei, semble entièrement emportée par la musique.
Agnus Dei dont le chœur reprend avec grandeur, en écho, le « miserere nobis », avant de s’arrêter enfin sur « dona nobis pacem » et sur ces derniers mots, la messe de Beethoven s’achève et le public explose à son tour en applaudissements qui n’en finissent pas, d’autant plus que Jordi Savall veille à ce que chacun des interprètes et groupes d’interprètes, dans l’orchestre et les chœurs, soit remercié et applaudi comme il se doit.
La Grande Salle Pierre Boulez se vide ensuite et finalement, le public s’en retourne dans la claire nuit de mai, l’esprit encore plein de toutes les notes de Beethoven.