Leçon de langues en lundi musical au Théâtre de l’Athénée
Les artistes proposent ce soir une collection variée de morceaux avec pour thème principal le retour à la terre natale, au berceau, oscillant entre le Lied et la variété française, les airs en chinois et même en quechua, avec « Tungu tungu » des Cantos del Alma Vernacula du compositeur péruvien Theodoro Valcárcel. Fleur Barron, accompagnée par Julius Drake, enchaîne donc sans hésitation les langues rares, invitant le public à les découvrir, à explorer leurs sonorités et simplement, à en apprécier le sens, puisque des grands sous-titres sont projetés sur la scène afin de faciliter la compréhension de tous.
C’est par les chansons chinoises que la mezzo-soprano singapouro-britannique débute le concert, projetant sans attendre sa voix à travers tous les différents tons de la langue, tous mis en relief par le chant lyrique. La voix monte et descend sans cesse dans des crescendi et decrescendi rapides, exigeant énormément de souplesse que la chanteuse retrouve petit à petit, déliant la ligne de chant au fil du concert et notamment dans la berceuse chinoise Rêverie du Nord-est, qu’elle interprète avec chaleur.
Plus aisé à aborder est le Lied avec Brahms, où elle insuffle avec naturel sa voix. La mezzo chante également en russe, dans une très bonne diction et prononciation (de même qu’en allemand et en anglais, ainsi qu’en français, légèrement plus difficile), les Enfantines de Moussorgski, où elle s’investit également en théâtralité, jouant tour à tour le petit enfant et sa nianouchka, sa « nounou ».
La variété des langues abordées permet également de démontrer la richesse de son timbre : ainsi le chant ouïgour Ananurhan de Zubaida Azezi et Edo Frenkel tire sur le bas du médium, que la cantatrice maintient avec aisance. De manière générale, le timbre est plutôt riche et la palette est lumineuse, malgré les graves plus sombres qui affirment une teinte comme mordorée. Pour cette œuvre, Fleur Barron se penche pour chanter à l’intérieur du meuble du piano à queue, pour donner un effet de résonnance à sa voix et se rapprocher des façons traditionnelles de chanter de ce peuple.
Elle partage une bonne connivence avec Julius Drake, qui l’accompagne au piano, presque impassible. Il propose un jeu à la fois fluide et parfaitement net, où chaque note résonne avec clarté. Pour la chanson ouïgoure, il met avec l’aide de Fleur Barron du collant sur quelques cordes du piano pour, expliquent les artistes, que la sonorité soit plus proche de celles des instruments ouïgours et accentuer le côté « tribal ». Le son tape alors sourdement, comme si les touches frappaient du bois, au milieu des notes sauvegardées du piano. Plus généralement, le pianiste lui aussi s’adapte aisément à tous les répertoires proposés, même s’il brille particulièrement dans les Lieder de Brahms, où il se fond avec aisance et souplesse.
Le public, d’abord surpris par ce florissement de langues et de morceaux si varié, est rapidement transporté et même si la salle n’est pas comble, c’est dans un tonnerre d’applaudissement qu’il remercie les deux artistes, alors que la chanteuse clôt le programme avec Boum ! de Charles Trenet. Après un dernier bis consacré à Brahms enfin, le concert s’achève et avec, cette évasion de langues et de musiques.