Elias triomphe à la Philharmonie
À l'écoute de cet Oratorio de Mendelssohn, on ne peut s'empêcher de penser aux Oratorios de Haendel et de Bach. Ce n'est absolument pas un hasard : Mendelssohn était un grand connaisseur de la musique de Bach (il fut même le premier à la faire redécouvrir à ses contemporains). En effet, le répertoire de l'Ensemble Pygmalion se veut notamment à l’image des filiations qui relient Bach à Mendelssohn. Cet ensemble joue sur instruments d'époque. Certes, ceux-ci n'offrent pas un son aussi "puissant" en volume pur que les orchestres modernes, mais, avec tout de même 45 instrumentistes, les phrasés sont très contrastés et la dynamique variée. Le rythme est toujours soutenu, les sens des auditeurs sont maintenus en alerte, l'ensemble met en valeur la richesse de cette magnifique partition. À la baguette, Raphaël Pichon est toujours impliqué dans la direction instrumentale, mais plus que cela, il est imprégné et transmet le drame.
Raphaël Pichon (© Francois Sechet)
Dans cette œuvre, le Chœur de l'Ensemble Pygmalion, composé d'une quarantaine de chanteurs, est prépondérant. Il représente le peuple. Par un son très homogène et d'une grande précision, il offre tous les contrastes de la partition. Sa première intervention Hilfe ("À l'aide" qui fait immédiatement penser à la première intervention du chœur dans la Passion selon Saint Jean de Bach), amenée par un crescendo de l'orchestre, est saisissante. Omniprésent, il est aussi beau dans son dialogue avec les solistes, dans ses interventions a capella que dans les puissants chœurs qui concluent chacune des deux parties de l'opus. Trois des choristes assument même des parties solistes, au sommet desquelles le trio des anges a capella (c'est là un bel hommage à rendre à la qualité de ces chanteurs de rang).
Ensemble Pygmalion (© Etienne Gautier)
Le baryton Stéphane Degout, très expressif, incarne le rôle d'Elias qui domine l’œuvre. Sa voix chaude, son timbre riche sont au service de la musique. Il interprète avec conviction ce texte, dans un allemand irréprochable. Il est tantôt menaçant, implorant, renonçant, toujours dans l'intensité dramatique. Les auditeurs pourraient certes regretter un certain manque de puissance lors de sa toute première intervention, après l'introduction des cuivres (dans cette grande salle de la Philharmonie), mais ce qui pourrait passer pour une faiblesse est bien vite oublié, tant le musicien s'impose. Son Air "Es ist genug" débute avec de magnifiques sons piano et se développe par un phrasé généreux. Comme il le disait lui-même dans une interview récente (dans la matinale chez nos confrères de France Musique), sa voix a gagné dans les graves, par rapport au rôle de Pelléas auquel il a renoncé cet été après 60 productions, et même par rapport à sa dernière interprétation de ce rôle d'Elias à l'Abbatiale de la Chaise-Dieu en 2012.
Stéphane Degout (© Julien Benhamou)
La soprano Julia Kleiter interprète la veuve et le jeune serviteur. Sa belle voix homogène, jamais forcée offre toute une palette de nuances. Dans l'air "Höre Israel" qui commence la seconde partie, son timbre se marie à merveille avec les traversos (équivalent ancien de la flûte). Un sentiment de tendresse s'en dégage.
La mezzo-soprano Anaïk Morel, tantôt l'ange, tantôt la reine, est une belle interprète au timbre chaud. Son vibrato, par son amplitude, est toutefois à ce point audible qu'il semble prendre le pas sur ses lignes mélodiques. Le ténor Robin Tritschler tient les rôles de Obadiah et Ahab. Ses interventions sont brèves, mais il se fait toutefois remarquer par sa voix sûre, son timbre précis ainsi que sa belle présence vocale.
Elias nourri par les corbeaux (1624-1625) par Giovanni Lanfranco (1582–1647) (© Rvalette)
Heureux d'avoir été à ce point impliqué dans ce drame qui se déroule en temps réel et à la première personne avec une grande intensité, le public offre une ovation de plaisir.
Vous pouvez d'ores et déjà réserver vos places pour entendre l'Ensemble Pygmalion dirigé par Raphaël Pichon : dans l'Orfeo de Luigi Rossi les 3 et 4 Mars 2017 à Versailles, puis dans le Miranda de Henry Purcell avec Katherine Watson à l'Opéra Comique en Septembre.