Nouvelle résurrection de Dafne au Festival Mars en baroque
La Dafne créée à Salzbourg en 1719 par Caldara (prolifique compositeur vénitien, contemporain de Vivaldi) s'appuie sur une adaptation du mythe par le librettiste Giovanni Biavi, privilégiant les intrigues amoureuses dans un cadre pastoral. Pénée, Dieu fleuve, observe et protège sa fille, la nymphe Daphné qui se transformera en laurier pour échapper à ses soupirants Phoebus et Aminta (représentant le soleil et un berger dans le genre typique de la pastorale).
Retrouvez également notre compte-rendu de l'année dernière en ce même lieu
Dans cette version de concert (en italien, surtitrée en français), les chanteurs emploient des objets clés pour illustrer leurs propos et divertir le public : un filet de pêche pour Pénée, un soleil éblouissant (rond de métal doré reflétant la lumière de scène) que Phoebus accroche au bout de la canne à pêche de Daphné, un arc, symbole de la chasse pour Phoebus. Des bruitages (diffusés par haut-parleurs avec un effet de lointain) interviennent également pour introduire les différents actes : aboiements d’une meute avant la chasse et chants d’oiseaux.
Le Concerto Soave, ensemble de musique baroque basé à Marseille, est disposé autour de Jean-Marc Aymes qui dirige du clavecin ou d'un petit geste discret en restant assis : avec une synchronisation entre conduite et accords, en valorisant l'expression et la gestion individuelle des solistes. L'ensemble produit ainsi un riche tutti souvent tonique, mais qui s'inspire également d'une gestique précise aux moments nécessaires. La cohérence instrumentale de l’Ensemble Concerto Soave est constante, offrant un tissu musical nuancé, rebondissant, dynamique et rythmé, mais cependant respirant.
Julie Vercauteren incarne Daphné. Sa voix au timbre rond vocalise avec un léger vibrato dans l’aigu, mais aussi, avec naturel et fluidité d’un grave velouté vers un médium délicat et timbré. Les trilles sont élégants, en particulier dans le grave pour la transformation en laurier. Un passage en imitation entre l’ensemble instrumental et la ligne vocale virtuose de la soprano déploie des sauts de grande amplitude, du grave vers l’aigu, en un figuralisme illustrant la liberté d'un vol d’oiseau.
Nicolas Kuntzelmann campe Phoebus. Son contre-ténor très expressif offre légèreté et virtuosité, avec des paroles parfaitement articulées, de longues vocalises délicatement rythmées, menant à des notes tenues ornées d’un léger vibrato. Le souffle ne se relâche jamais.
Le rôle d’Aminta échoit à Pierre Derhet, ténor à la voix projetée, timbrée et expressive dans le médium, claire dans l’aigu, proposant une palette de nuances harmonieuses. Les ornementations sont délicates, les notes longues soutenues et le texte nettement compréhensible.
Samuel Namotte, enfin, offre une voix de baryton souple, au phrasé soigné, pour incarner Pénée. Son timbre large à la ligne mélodique nuancée, aux graves solides, aux vocalises naturelles affirme son autorité paternelle.
Le finale, quatuor vocal équilibré et brillant accompagné par le tutti de l’ensemble instrumental, offre une conclusion joyeuse à un public attentif et enthousiaste. Il est ainsi repris en bis après l’ovation de cette salle comble.