Chorus Line n°5, entre instruments et voix
La programmation de ce soir part de l’instrument premier (la voix, a cappella), bascule dans la Sonate pour violoncelle -seul- de Ligeti avec Jean-Guihen Queyras, avant de réunir ces instruments avec célesta et percussions dans le Cantique du soleil composé en 1997 par Sofia Goubaïdoulina et dédié à Mstislav Rostropovitch à l’occasion de son 70ème anniversaire. Virtuosité et sentiments sont ainsi au cœur de ce programme encadré de spiritualité : depuis À l'humaine poésie..., commande de Radio France à Thierry Machuel sur des poèmes d'Yves Bonnefoy (entre mort du monde et résurrection par les mots) jusqu'au Cantique d'une compositrice déclarant “Toutes mes œuvres sont religieuses. Je n’ai jamais écrit de pièces non-religieuses.”
Le Chœur de Radio France, tout de noir vêtu, propose une sobre interprétation, un dialogue pondéré, entre ses pupitres puis dans un jeu d'unions de timbres avec les instruments. La métrique est bien respectée y compris dans la pluralité rythmique et en imitation. Le chant est porté par la clarté des sopranos et les ténors mélodieux, en passant par des altos venant renforcer l'harmonie avec subtilité sur une assise ronde et chaude des barytons et basses (mettant à l'honneur le Cantique solaire).
Les percussionnistes Emmanuel Curt et Emil Kuyumcuyan, ensemble ou en dialogue, nourrissent leur partition par la richesse de leur timbre et la clarté d'un jeu sonnant le glas. La dimension d'élévation sacrée est renforcée par une insistance sur les volumes sonores en fins de phrases.
Florian Helgath déploie une gestuelle ample, sur des temps bien installés. Tous les départs sont donnés de manière claire, chaque mouvement est calculé ne laissant aucune place au superflu.
Jean-Guihen Queyras offre un panorama de son instrument mais aussi de son archet, frottant puis jouant même lui aussi de percussions après avoir déployé son agilité en double-cordes. Il allie même jeu instrumental et théâtral, accompagnant sa performance d'expressions faciales (surprise, stupeur, ou joie suivant les différentes sonorités produites) mais surtout pour se laisser emporter par la musique en fermant les yeux, faisant glisser ses doigts sur toute l'amplitude de l'instrument sans perdre en justesse.
Traduisant leur appréciation par quelques secondes d'un silence solennel (qui résonne avec celui pendant les morceaux), les spectateurs font ensuite entendre des applaudissements pour rappeler les artistes après avoir salué cette performance, ce qu'ils font d'une manière plus éloquente encore en sortant doucement dans un état de méditation, liturgique.