Lucrèce héroïne au Conservatoire d'Avignon
Le programme du concert est donc dédié à l’histoire tragique de Lucrèce, les musiciens interprétant les cantates pour soprano et basse continue Lucrezia Romana (1688) d’Alessandro Scarlatti et La Lucrezia (1709) de Georg Friedrich Haendel mais également deux Sonates d’Antonio Vivaldi, évoquant ainsi littéralement mais aussi symboliquement par les climats musicaux, la mélancolie et la furie que ressent Lucrèce, sa fragilité autant que sa force de résolution face à l'outrage.
Jérôme Correas introduit chaque partie du concert et explique le contexte historique et musical avec détails. Au clavecin, il se montre très bienveillant avec ses collègues, toujours attentif et à l’écoute. Son jeu est agile et très expressif, répondant au violoncelle nuancé de Nicolas Crnjanski, dont les accents dramatiques sont également très marqués. Sa dextérité semble d'autant plus grande que son visage ne traduit pas les émotions de son archet.
La soprano franco-algérienne Amel Brahim-Djelloul incarne Lucrèce lors des deux cantates, par un caractère dramatique, une voix ronde et claire, très agile lors des vocalises. Son chant est nuancé, enrichi par des accents et des élans qui ajoutent à la puissance d'une interprétation poignante. Malgré ses aigus brillants et bien projetés, ses graves perdent parfois en puissance face à la place sonore prise par les (deux) instruments accompagnateurs, mais la mort de Lucrèce arrive avec la délicate émotion d'un aigu piano, dont le timbre se perd légèrement.
Le public se montre très enthousiaste au moment des saluts, rappelant plusieurs fois les artistes. Le spectacle se termine alors avec un bis très émouvant qui fait demeurer dans cette ambiance douloureuse et amère, l’air de Morgana, "Credete al mio dolore", extrait de l’opéra Alcina (1735), de Haendel.