L’Atelier lyrique de Bourgogne prend le chemin de La Route fleurie
C’est sur une Route fleurie et par cette opérette abracadabrante sur un livret de Raymond Vincy que l’Atelier Lyrique de Bourgogne invite le public et débute l’année : en compagnie de Raphaël, poète ridicule, et Jean-Pierre, compositeur romantique épris de célébrité (rôles respectivement créés par Bourvil et Georges Guétary) ainsi que deux amies au caractère bien trempés, Lorette et Mimi (tous courant après l’argent qu’ils n’ont pas). Ils se retrouvent embarqués dans une grande villa bourgeoise de la Côte d’Azur et tout pourrait bien se passer pour ces deux couples cherchant à louer illégalement le domaine à une grande actrice égocentrique, si le majordome n’essayait pas de le louer par la même occasion à un riche savant russe.
La mise en scène très dynamique de Carlo di Angelo s’équilibre avec le décor minimaliste (réalisé par Hélène Favier). Seulement quelques éléments de mobilier suffisent pour plonger dans un café parisien, un atelier d’artiste ou le jardin de la villa. Les figurants bien présents sur scène ajoutent une ambiance réaliste et une belle fraîcheur en ce qui concerne les six jeunes danseurs. Même si leurs passages sont toujours courts, ils agrémentent avec grâce les intermèdes musicaux et se mêlent discrètement au chœur. Composé par une dizaine de chanteurs en plus des personnages principaux et secondaires, celui-ci amène gaiement les transitions entre les scènes et si la masse vocale est un peu trop faible lorsque seulement les femmes ou les hommes chantent, il est bien suffisant pour le grand tutti final.
Le spectacle tend rapidement vers la comédie musicale avec des personnages amenés à chanter, danser, et interagir avec l’orchestre et le public. Les chorégraphies pourtant simples sont bien menées, particulièrement lors des quatuors qui ponctuent l’opérette. Légèreté, humour et amour sont bien au rendez-vous comme attendu pour une œuvre de Francis Lopez. Les costumes d’Agnès Montanari oscillent entre un style moderne, vintage et complètement loufoque (rappelant presque un dessin animé de Tex Avery, notamment durant le deuxième acte).
L’ensemble de dix-sept musiciens est dirigé efficacement par Bruce Grant, bien connu des ensembles dijonnais. Derrière des gardes-corps colorés, les musiciens apparaissent comme les habitués d’un café parisien et le chef est à plusieurs reprises impliqué intelligemment dans la mise en scène. Si quelques faiblesses de justesse viennent fragiliser la performance musicale, l’ensemble parvient à la surmonter par sa rythmique très nette permettant de rassurer les chanteurs qui tournent le dos au chef la majeure partie du spectacle.
La plus grande qualité des solistes est assurément leur diction impeccable qui permet de ne pas perdre une seule seconde le fil de l’histoire malgré l’enchaînement des quiproquos. Raphaël, interprété par Benoît Jeannes, prend la place la plus importante sur le devant de la scène. L’auditoire lui pardonne bien les soucis de justesse et les limites de son soutien, tant il vise une projection puissante, ainsi qu'au regard de ses qualités scéniques. Personnage à la fois ridicule, insupportable et plein de tendresse, chacune de ses interventions reçoivent de nombreux rires dans la salle.
Xavier Flabat, interprète de Jean-Pierre, captive le public avec une voix de ténor léger toujours juste, des aigus brillants et un timbre clair, plein d’émotion notamment dans son air « Mimi » (qui rappellerait presque Rodolfo).
Flavie Maintier, qui incarne Lorette, surprend au cours du spectacle car si sa voix peine à passer par dessus l’orchestre lors de sa première apparition, son fameux « Da ga da Tsoin tsoin » du deuxième acte est interprété avec puissance et des mediums amples conduits par un beau vibrato. Pleinement assortie au personnage de Raphaël, elle s’impose sur scène par un jeu comique confiant.
Marie Cordier (Mimi) est irréprochable dans le rôle de la mannequin faussement naïve, toujours élégante dans les nombreuses robes qu’elle porte. Sa voix se dénote par un vibrato serré, des aigus lumineux et des médiums chaleureux. Le chant est souple, la ligne musicale précise.
Le spectateur regrette presque que le personnage de Rita, jouée par Estelle Danière n’apparaisse pas plus tôt tant elle apporte une nouvelle dynamique avec sa voix de mezzo tonique (digne d’Annie Cordy, créatrice de Lorette).
Les autres personnages ponctuent le spectacle avec des dialogues toujours comiques et viennent petit à petit nourrir le chœur. Les interventions d’Olivier Togni (Gustave) font toujours rire de manière simple et efficace. Jacques Guyard (le patron) engage le premier dialogue du spectacle avec une voix claire et sûre, Yvan Rebeyrol (Poupoutzoff) tient son accent russe jusqu’au bout tandis que Jérôme Solavagione (Bonnardel) reste discret.
Après presque trois heures de spectacle, le plateau reprend le finale à plusieurs reprises sur la demande du public visiblement satisfait et même ravi. Malgré quelques moments de pesanteurs et maladresses musicales, l’Atelier lyrique de Bourgogne accomplit ainsi à nouveau sa mission de faire connaître le répertoire de l’opérette tout en permettant à de jeunes artistes de se produire sur scène.