Héroïnes Mozartiennes avec Julie Fuchs au Grand Théâtre d’Aix-en-Provence
Julie Fuchs évoque les chanteuses de Mozart en s’adressant au public et par le programme du soir où elle interprète des airs créés pour et par ces muses : Nancy Storace qui a donné ses lettres de noblesse à Suzanna et Caterina Cavalieri créatrice de Constanze dans L'Enlèvement au Sérail. L’ensemble du programme montre sa cohérence lyrique et intimiste, avec également air de concert (“Ch’io mi scordi di te”) et cantate (Davide penitente) ainsi que dans le lien avec Les Siècles. Le bout des lèvres, des archets et des embouchures des musiciens restituent la dimension émotionnelle, ample et sur-mesure de cette vocalité mozartienne.
Les morceaux instrumentaux (Contredanses, Symphonie) encadrent les airs comme autant de respirations expressives et fines, avec des influx rythmiques qui font florès dans ces partitions sensuelles ou haletantes. La cheffe demande à l’auditoire de fermer les yeux, de s’imaginer en couple à Schönbrunn, dansant menuets ou quadrilles.
Julie Fuchs affirme jusqu'à ses choix vestimentaires de concert et en contrepoint à la programmation : robe style Sissi pour la première partie, style Ava Gardner pour la seconde, affirmation d’une féminité assumée qui fait réagir la salle d’admiration. Pour interpréter ces airs et incarner ces cantatrices, Julie Fuchs dédouble les parures vestimentaires et vocales, déployant l’agilité colorature de son instrument sans jamais perdre en densité, alternant mines gracieuses, nobles ou courroucées.
Ses graves, un peu mats, restent doux et moelleux, ses aigus filés pianissimo. La voix et le souffle sont longs, le legato constant, dans le mezza-voce comme dans les coloratures. La diction soignée, notamment des consonnes labiales, rapproche les lèvres comme pour donner des baisers. La voix repose sur un soutien souple, l’ouverture du palais et la mobilité des mâchoires, avec un vibrato parcimonieux (rien ne tremble, car tout repose sur la maîtrise des dynamiques et le souffle, véritable moteur interne des longues vocalises).
La partie de piano-forte que Francesco Corti effleure par de longues et tendres vocalises instrumentales, comme un jeu de perles de verre, produit comme un dialogue amoureux entre Mozart et ses cantatrices.
L’air « Tiger! Wetze nur die klauen », extrait de Zaïde, donné en bis, est présenté par la chanteuse comme « l’air le plus Rock and Roll de Mozart ». Il remplit ses promesses, tandis que la chanteuse reçoit de longues ovations.