La Chapelle de Louis XV célébrée par la jeunesse musicale à Versailles
En 1722, sept ans après la mort de Louis XIV, Louis XV retourne au Château de Versailles dont la Chapelle Royale pourra à nouveau vibrer souverainement. La responsabilité musicale du lieu, préparé en point d'orgue par le Régent Philippe d’Orléans, est confiée à quatre compositeurs : Charles-Hubert Gervais, Nicolas Bernier, André Campra, Michel-Richard de Lalande (ces mêmes compositeurs sont ceux remis au programme ce soir, trois siècles plus tard, dans un concert interprété par des jeunes musiciens).
Retour vers le futur
Cet auguste programme et moment glorieux du passé est en effet porté ici par un aréopage de jeunes instrumentistes, choristes et solistes, membres des deux Conservatoires nationaux de musique (Paris et Lyon), du Jeune Chœur de Paris - Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris, rejoignant Les Pages et les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles habitués des lieux.
L’ambiance solennelle s'impose au son du grand orgue qui retentit dans la chapelle entière de toute sa gloire et à l'image du lieu. L'instrument tenu ce soir par Nicola Procaccini (également étudiant au CNSM) résonne à la fois littéralement d'un son englobant et comme une métaphore à travers les siècles. L'orchestre pourtant réuni pour l'occasion, s'inscrit dans le sillage de cette amplitude sonore : chaque instrument résonne et se déploie à travers l'acoustique de manière distincte et unie, trouvant sa place dans l'ensemble.
Les jeunes choristes apportent alors la touche de précision tout aussi essentielle pour ce répertoire et cette esthétique. Chacun restant sur le qui-vive offre des phrasés impeccables sur le plan rythmique et plus généralement musical, dans l'implication de timbres purs, assurant l'alliage entre voix jeunes ou enfantines avec un soin tout particulier pour la langue latine. Cette articulation assure également le lien avec les instrumentistes, tous suivant universellement, au doigt et à l'œil et à l'oreille Emmanuelle Haïm (cheffe invitée auprès de la Maîtrise du CMBV en 2022 et 2023). Sa direction est reconnaissable à son énergie, mais se fait très protectrice et bienveillante, accompagnant les musiciens d'intentions claires et douces, exprimant discrètement des encouragements à la fin des airs.
Les chanteurs solistes Lysandre Châlon et Brice Claviez-Homberg font dialoguer et se répondre leurs voix respectives de basse-taille et haute-contre, le premier d'une puissance déjà large et vigoureuse quoique forçant quelque peu les notes les plus longues, mais créant ainsi un souffle expressif qui contraste pleinement avec la grande douceur et suavité maintenue par le second durant l’intégralité de ses airs. Les deux chanteurs demeurent d'une grande agilité dans le phrasé et la qualité de leur latin (à la française) répondant à celle du chœur et de l'époque.
Camille Chopin et Margaux Poguet affirment également leur prononciation et sont également tout en contraste (quoiqu'ayant la même tessiture de dessus, équivalent de la soprano) mais leurs timbres créent à chaque phrase une dynamique nouvelle.
De sa plus grande taille et puissance, Margaux Poguet domine le plateau d'une tête et d'une nuance vocale, qui éclate en ornements brillants soutenus par son souffle maîtrisé. La présence scénique et la voix s'allient en une incarnation vigoureuse, aussi vive que sa collègue. Camille Chopin conserve un timbre plus feutré et léger, mais dont la voluptuosité lui permet une agilité souple et rapide avec une maîtrise conservée.
La taille Abel Zamora boucle le quintette de solistes, avec l'équilibre de sa voix fort résonnante. Sans jamais forcer de syllabe mais d'un timbre serré, il donne de l'éclat à son intonation, portant ses belles longueurs de phrases. Le vibrato rapide s'allie à la vivacité substantielle de ses lignes.
Le public, transporté, décerne une ovation aux artistes.