Le Chœur Arnold Schoenberg fête ses 50 ans à Vienne
Le bâtiment principal du Theater an der Wien sur la Linke Wienzeile étant en rénovation (prévue pour deux ans), ce concert anniversaire a lieu dans la Halle E+G, site alternatif de l’institution dans le MuseumsQuartier de Vienne, à deux pas de la célèbre Place Marie-Thérèse. Le titre du concert, « Zurück in die Zukunft » (Retour vers le futur) suggère simultanément une rétrospective de la longue carrière du chœur, mais aussi une continuation, et un développement. Le vaste répertoire présentant dans le désordre chronologique des chefs-d’œuvre traversant les époques traduit bien la dualité de ce titre.
La logique est davantage émotionnelle, notamment dans la première partie du concert immergeant et submergeant dans l’intensité sombre du De Profundis et Friede auf Erden (Paix sur la terre) de Schönberg et la Danse des morts d’Hugo Distler. Les parties de cette dernière sont intercalées avec une lecture de la Danse des morts de Lubeck (Lübecker Totentanz) de Johannes Klöcking par la comédienne et actrice de télévision autrichienne Adele Neuhauser. Un tableau de la série Moritatentafeln (Tableaux des mortels) du peintre autrichien Herwig Zens (1943-2019) est placé au front de la scène à la fin de chaque séquence de lecture, suivie par un bref fragment musical joué à la flûte à bec par Rahel Stoellger. L’explication d’Erwin Ortner sur le vaste répertoire de la soirée ne vient qu’après la pause : « Le plus important est de ressentir les œuvres pendant qu’elles sont jouées », et les œuvres présentées sont « choisies selon l’intérêt des membres actifs du groupe ».
La performance du Chœur Arnold Schoenberg impressionne de bout en bout. Chaque pièce est présentée avec soin et compréhension, et surtout de manière à mettre à l’honneur des sonorités typiques, et même uniques à ce chœur. La netteté des textures, le soin des nuances à l’intérieur des voix de la même tessiture et entre les registres créent des élans mouvants. L’unité vocale affirmée traduit un aspect méditatif, jaillissant vers des éclats nébuleux et des pointes lumineuses chez Messiaen (O sacrum convivium) aussi bien que chez Bach. La discipline et la régularité des nuances collectives sont évidentes dans le répertoire romantique (Mendelssohn et Brahms) mais la solennité sait rapidement se transformer en une badinerie mêlée d’ironie et d’humour noir. Les efforts se manifestent dans les élans s’achevant soit sur des éclats surprenants après les sommets, soit sur des descentes équilibrées et patientes jusqu’à regagner le terrain de la méditation. Généralement, les voix féminines ont cette capacité particulière à créer un gonflement sonore d’une intensité et d’une concentration ébouriffantes, notamment dans les sommets mystérieux et envoûtants, tandis que les hommes fournissent un ancrage solide et soigné entre le registre médian et l’aigu. Les deux groupes se complémentent et s’enrichissent dans la concurrence comme dans la synergie.
La salle pleine à craquer (et en présence du nouvel intendant Stefan Herheim) accueille la soirée avec un grand enthousiasme.