Sabine Devieilhe et Mathieu Pordoy, poétique récital à la Philharmonie de Paris
Acclamés par le public à Aix-en-Provence, à Genève et à Rennes, Sabine Devieilhe et Mathieu Pordoy sont invités dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris. Le défi à relever, comme le dit la soprano elle-même, est celui de « faire apercevoir l’intimité d’un programme de salon » dans cette salle aux murs si larges.
Le programme encadre le classicisme Mozartien avec le post-romantisme d’Hugo Wolf et Richard Strauss, en commençant par des Lieder d’Alban Berg mais de jeunesse, permettant aisément à la soprano de déployer avec grande agilité sa voix au timbre délicat et pénétrant à la fois, sans donner pour autant aucune impression d’effort.
Sa musicalité et expressivité jamais forcée l’accompagnent tout au long de ce parcours à travers les esthétiques et sonorités. Des aigus en pianissimo et des graves soutenus soulignent sa conception et sa maîtrise subtile des nuances et des couleurs. Le programme uni par le germanisme mais varié par les siècles et l'expressivité permet à Sabine Devieilhe de déployer autant la simplicité jouissive des vocalises chez Mozart que la force et l’expressivité italianisante d’Hugo Wolf, jusqu’aux ornements et suraigus (chez Strauss) qui font aussi son succès sur les scènes d’opéras. La diction et l’articulation modèles font résonner dans l’air chaque syllabe.
La soprano présente en outre le programme choisi pour l’occasion avec des mots poétiques, tout en impliquant (d’un “nous” attentionné) Mathieu Pordoy. Le pianiste est présent et délicat dans son jeu, en accompagnateur comme dans les intermèdes au piano seul, prévus pour chaque partie consacrée à un compositeur dans ce programme. Captant l'attention de la salle avec toute sa finesse, entre silence et résonances, le jeu s'exprime, seul comme dans la réunion vocale et le tout avec ce programme même : dans une variété dictée par des règles de simplicité et de cohérence unifiant ces morceaux différents dans la confiance et le partage d’une ambiance poétique (même les lumières de la salle restent diffuses pour installer cette atmosphère de musique de salon).
Les applaudissements enthousiastes et chaleureux des spectateurs rappellent sur scène maintes fois les artistes, qui offrent alors au public trois bis, en autres le merveilleux Oiseaux, si tous les ans de Mozart, pièce en français de la soirée.