Passions furieuses de Vivaldi avec Eva Zaïcik et le Concert de la Loge au TCE
Antonio Vivaldi était un grand passionné du violon. Ses nombreux concerti émerveillaient déjà ses contemporains qui les découvraient grâce aux talents des jeunes interprètes de l’Ospedale della Pietà. Il se découvre également une passion pour la voix et le théâtre, composant une multitude d’opéras en un temps record. C’est cette double passion que met à l'honneur Julien Chauvin avec son Concert de la Loge, dans une formule qu’il affectionne, alternant concerti et airs extraits d’opéras, avec la mezzo-soprano Eva Zaïcik pour complice en ce dimanche matin au Théâtre des Champs-Élysées.
Après l’Ouverture extrêmement vivante de L’Olimpiade, presque un hymne pour le Concert de la Loge, et un Concerto en ré majeur tout aussi énergique, l’introduction à « Sovente il sole » extrait d’Andromeda Liberata fait apparaître sur scène Eva Zaïcik. Immédiatement, elle captive et charme son auditoire par sa présence naturellement rayonnante et le timbre de sa voix. Celui-ci se fait d’une rondeur caressante, particulièrement dans les graves, avec une agréable touche de lumière dans les aigus. Impeccablement équilibrée dans sa projection et accompagnée avec grand soin par l’ensemble instrumental, la chanteuse convainc tout autant dans l’interprétation furieuse de L’Olimpiade qu’avec le grand air de bravoure (“Agitata” de La Griselda), impressionnant le public de son agilité vocale, bien que certains auraient pu y désirer encore plus de vaillance dans l’interprétation et des vocalises encore plus incisives. Mais cette très légère et momentanée fatigue disparaît au profit d’intentions contrastées faisant corps avec les musiciens.
Attentif et extrêmement homogène, le Concert de la Loge est un accompagnateur expert, autant de la voix que du violon de son chef. Julien Chauvin dirige ses musiciens, tous debout – sauf bien sûr les violoncelles et la claveciniste – pour puiser toute l’énergie depuis le sol et la transmettre à tous leurs corps, avec une furia qui caractérise la personnalité de Vivaldi autant que sa musique, exubérante et brillante.
La grande maîtrise et technique d’archet de Julien Chauvin transmet son exigence à ses musiciens. Le Concert de la Loge est alors d’une grande précision dans ses intentions, souvent extrêmes dans leurs contrastes. Parfaitement préparés et talentueux, chacun des instrumentistes est capable de se libérer de la partition pour suivre attentivement leur chef et aussi lui partager leur plaisir de jouer cette musique, par leurs sourires complices. Les mouvements lents ne bénéficient toutefois pas d’autant de contrastes et de théâtralité (dans leur genre).
Sous l’insistance du public et désirant faire durer un peu plus ce bonheur partagé, Julien Chauvin propose une écoute comparative qui résume les passions de Vivaldi pour la voix et le violon : d’abord Eva Zaïcik propose sa version intime et subtilement tragique de “Vedrò con mio diletto” extrait d’Il Giustino, puis le violoniste offre avec lyrisme la version initiale que Vivaldi avait écrite pour le Largo de son Concerto en si mineur RV387.
Impossible de choisir, pour le public ravi, entre ces deux versions, en cette matinée où violon et voix se seront aussi bien mariés qu’ils auront dialogué.