Splendeurs de la polyphonie romaine par Leonardo Garcia Alarcon à l’Auditorium du Louvre
Chercheur et musicologue infatigable, passionné par la musique ancienne, Leonardo García Alarcón a choisi avec son Ensemble Cappella Mediterranea de faire revivre la polyphonie telle qu’elle se pratiquait à Rome au temps du baroque. Que ce soit au sein du Vatican en lui-même, des Basiliques majeures comme Saint-Jean-de-Latran ou des nombreuses églises romaines, les œuvres vocales polyphoniques (à plusieurs voix) connaissaient une période particulièrement florissante. Les besoins musicaux pour l’ordonnancement des cérémonies religieuses s’avèrent ainsi particulièrement importants à cette époque, notamment au lendemain de la Contre-Réforme et des principes décrétés par le Concile de Trente. Le niveau musical des interprètes apparaît alors fort élevé sous la direction des maîtres de chapelle/compositeurs. Le fameux Miserere composé en 1638 par Gregorio Allegri pour les besoins exclusifs du Pape et de la Chapelle Sixtine, constitue un sommet émotionnel de cette musique. Cette période est aussi celle de l’apparition de l’oratorio moderne à l’exemple de l’Oratorio pour la Semaine Sainte de Luigi Rossi dont ce concert permet d’apprécier le chœur final qui retrace avec pathos et intensité la Crucifixion du Christ. La musique d’Alessandro Scarlatti est aussi présente avec des chants liturgiques ou répons écrits pour la Semaine Sainte, Pleurez comme une vierge, avec des parties solistes plus développées, ou Voici que nous l’avons vu, qui montre une orchestration déjà plus charpentée. Mais la majeure partie du concert se trouve consacrée à la musique de Giovanni Giorgi, certes moins connu que ses collègues et actifs après eux, mais que Leonardo García Alarcón s’attache avec foi à faire redécouvrir.
Une nouvelle fois, le Chœur accentus démontre la plénitude et la cohérence de ses moyens. Tous les pupitres se fondent au sein d’un même ensemble totalement cohérent et mis pleinement au service de la musique interprétée. Le sommet est atteint lors du Miserere d’Allegri interprété avec une ferveur frémissante et surtout une sincérité désarmante, dans une pénombre accentuée. À plusieurs reprises, le Chœur accentus se déplacera ainsi sur les côtés de la salle ou juste face aux auditeurs du premier rang, accentuant plus encore l’émotion ressentie.
Les quatre solistes vocaux collaborent très régulièrement au concert ou au disque avec Leonardo García Alarcón. Et cela se ressent dans leur façon d’être et de chanter, que ce soit la soprano Julie Roset qui illumine le Miserere de son aigu au vibrato serré et lumineux, le contre-ténor Paulin Bündgen à la voix souple et presque innocente, Valerio Contaldo ténor toujours apprécié dans ce répertoire sacré par le soin apporté à la ligne vocale et la basse assez percutante, dotée de graves expressifs, de Matteo Bellotto. La soprano II issue du chœur, Catherine Padaut vient renforcer avec aisance la partie soliste pour l’Oratorio de Luigi Rossi.
Sous la baguette affirmée et chaleureuse de Leonardo García Alarcón, la Cappella Mediterranea enchante à chaque instant et surtout fait pleinement revivre une musique puissamment religieuse bien éloignée des préoccupations du public actuel. Le très vif succès remporté par tous les protagonistes de la soirée permet de constater que le fossé n’est pas infranchissable et que la beauté occupe toutes les époques.