Les tribulations pandémiques mondiales n'ont pas épargné le Festival Verdi et son Teatro Regio à Parme s'est vu forcé d'adapter sa programmation au gré de cette situation aussi grave que particulière, parmi les plus difficiles de son histoire. Même lorsqu'il n'était pas initialement prévu, le Requiem de Verdi s'est imposé en 2020, en 2021 et de nouveau en 2022 comme à la fois une solution logique (ne nécessitant pas de mise en scène et peu de solistes, mais déployant tout son lyrisme), et comme une prière collective pour toutes victimes du Covid-19, qui a énormément sévi en Italie. Le directeur artistique du Festival, Roberto Abbado, était ainsi à la baguette de l'Orchestre philharmonique Arturo Toscanini pour un concert en plein air, devant le Palais Ducal de Parme en 2020. L'année suivante, le Teatro Regio rouvrait ses portes (mais avec distanciations) pour accueillir le Requiem avec Daniele Gatti à la tête de l'Orchestre Symphonique de la Rai. Et le Festival fait donc le choix de programmer, en cette 22ème édition, cette Messe des morts pour une troisième année consécutive, de nouveau au Teatro Regio, avec l'orchestre de la RAI et le Chœur de la maison mais il s'agit cette fois de commémorer les victimes de guerre(s), devant une salle pleine, avec le chef Michele Mariotti (grand connaisseur du théâtre et du répertoire verdien).

Parmi les solistes, la soprano lettone Marina Rebeka déploie son appareil vocal puissant mais qu'elle sait attendrir grâce à son timbre soyeux et irradiant. La technique est solide et le souffle généreux, effectuant les sauts mélodiques en douceur, tout comme les passages chromatiques (par demi-tons). Les aigus sont ses meilleures armes, qu'ils soient chantés à pleins poumons ou en voix de tête, contrairement à l'assise nettement moins appuyée. Sa palette de nuances est polychrome, élégante dans son finale où elle atteint les sommets et les limites de sa gamme. 

La mezzo-soprano arménienne Varduhi Abrahamyan arbore une voix volumineuse mais l'émission peine à amortir les forts vacillements. L'appareil est moyennement souple, mais la justesse n'est jamais remise en cause même lorsque les solistes chantent sans support instrumental. Les gradations et nuances sont dynamiques et colorées, notamment sur la nuance piano. 

Marina Rebeka	Varduhi Abrahamyan (© Roberto Ricci)

Stefan Pop présente ses couleurs vives et lyriques, qui s'épanouissent notamment dans le diapason médian. Le phrasé est lisse mais la voix se projette avec difficulté dans cette acoustique peu résonnante. Bien que le son ne manque pas de rondeur, la montée aux aigus devient légèrement laborieuse et les notes poussives. Sa partie dans l'Hostias est interprétée et ornementée avec l'élégance d'une voix mixte de tête, assurée et sonore.

La basse Riccardo Zanellato est étoffée et très projetée dans le corps de sa tessiture, mais l'assise n'est pas excessivement charnue ce qui entraîne certains moments de retrait par rapport à l'orchestre. Les registres inférieurs lui conviennent toutefois plus que les cimes, moins naturelles et souples. La prononciation et l'articulation sont nettes et impeccables.

Stefan Pop	Riccardo Zanellato (© Roberto Ricci)

Michele Mariotti dirige avec beaucoup d'élan, palpable dans ses gestes vigoureux. Il fait ressortir les lignes souvent cachées dans la polyphonie chorale, notamment dans les immenses et solennels tutti qui perdent cependant en monumentalité faute de résonnances acoustiques. L'Orchestre Symphonique de la Rai se distingue par ses cordes, soudées et brillantes, à la sonorité nourrie. Le Chœur parmesan (préparé par Martino Faggiani) est solide dans l'ensemble et rythmiquement aligné avec l'orchestre, mais la prononciation manque d'éloquence, d'autant que les passages en pupitres séparés voient la netteté et le volume diminuer (la fugue finale en est un exemple éclatant). 

La soirée s'achève par de longues acclamations adressées aux artistes et en particulier à leur chef Michele Mariotti. 

Le Requiem au Festival de Verdi à Parme en 2020, 2021, 2022 :