Stabat Mater de Scarlatti scintillant à l’église de Vault-de-Lugny
Le Stabat Mater est le point culminant du programme, mais Le Caravansérail a d’autres surprises du même compositeur à dévoiler : la Missa brevis quatuor vocum (Messe de Madrid), la Sonate pour clavier en sol mineur et le Te Deum – musique sacrée qui se marie à merveille avec les fresques primitives de la Passion du Christ, représentée sur les hauts murs blancs de l’église.
Le chœur du Caravansérail aborde avec un enthousiasme manifeste chacune des œuvres, en faisant montre de la variété de ses nuances, notamment celles des sopranos et des contre-ténors (qui font office d’altos), les premières scintillant au-dessus des secondes, offrant un délicat contraste. Les voix se rencontrent avec harmonie, les plus hautes couronnant ainsi les plus basses et toutes se réverbérant dans l’église, en embrassant sa belle résonance.
La direction de Bertrand Cuiller est dotée d’une grande précision – comme un bijou d’orfèvre, il cisèle la musique de Scarlatti pour mettre en valeur son éclat et surtout, sa finesse, en particulier dans la Missa brevis et le Te Deum. A l’équilibre des voix s’ajoute la clarté de la diction, rigoureuse et recherchée, encore une fois, et participant à l’harmonie générale. Une certaine langueur s'établit toutefois dans le chant et justement, peut-être trop de finesse qui voile l’expressivité et le déchirement du Stabat Mater.
Le théorbe, le violoncelle, la contrebasse accompagnent le chœur, dans un ensemble discret, mais soutenu et attentif. A l’orgue et au clavecin – en plus de la direction – Bertrand Cuiller propose lui aussi un jeu ciselé, teinté de nuances et se mêlant aisément à la ligne ouvragée des voix. Il interprète également la Sonate en sol mineur, démontrant ainsi, de la même façon, un travail de netteté, d’habileté et d’adresse. De la sonorité de l’orgue se dégagent de belles couleurs, simples et gaies, enjolivant ainsi la rigueur demandée.
Après s’être longuement fait désirer, après cette mise en oreille, le Stabat Mater entre enfin en scène et conclut en beauté le concert, notamment par la lumière des chœurs féminins, joliment modulés, la vibrance de l’ensemble et la pugnacité qui peu à peu, se mêle à l’œuvre, toujours balancée avec cette même délicatesse qui caractérise le chœur – malgré, encore une fois, une certaine langueur dans le ton, quoiqu’elle n’empêche pas le spectateur d’être parfois saisi par la pièce, dont l’interprétation lui fait honneur. La précision reste également soignée, la diction travaillée et l’œuvre se conclut finalement par cet « Amen » où d’un seul mouvement, toutes les voix se rassemblent et s’éteignent du même coup.
Pour le bis, Bertrand Cuiller choisit de rejouer le début du Stabat Mater, réjouissant ainsi un public déjà conquis – ce que démontrent les applaudissements ravis qui précédaient, et qui éclatent à nouveau. L’église se vide ensuite et les spectateurs s’en retournent à cette fin d’après-midi ensoleillée, pour profiter de la suite des réjouissances offertes par les Rencontres – quoiqu’encore pris avec plaisir dans la musique de Scarlatti.