Ermonela et Pantesilena Jaho referment le Festival Castell de Peralada 2022
Le programme captivant et exigeant de ce récital rend hommage à la mythique soprano vénitienne admirée de Puccini, Rosina Storchio (et à son répertoire), avec laquelle Ermonela Jaho partage plusieurs points en commun, notamment sa puissante présence sur scène. La voix délaisse même la pure beauté pour déployer son expressivité musicale et dramatique dans un mélange particulièrement adapté au vérisme.
Plácido Domingo et Ermonela Jaho chantent Thaïs au Festival de Peralada 2018 :
Le grand sens dramatique de la soprano soutient et renforce constamment son investissement convaincu dans l'interprétation. Même dans le cadre du récital, elle incarne profondément chacun de ses personnages, au point même de s’en épuiser physiquement et d’en arriver aux larmes dans les cas les plus extrêmes. Se laissant emporter par les tempéraments et la musique (et emportant le public avec elle), elle semble vivre en même temps qu'elle narre la tragédie et la joie de chaque personnage et de chaque histoire. Son timbre rond mais direct, et réverbérant beaucoup moins que les précédents solistes en ces lieux, paraît beaucoup plus adapté à la résonance de cette église du couvent del Carme. La largeur de sa tessiture lui permet néanmoins d’aller et venir comme bon lui semble à travers l'ambitus, les nuances et dynamiques, dès ses aigus piano débordant d’émotion, et même ses pianissimi qui donnent la chair de poule à plus d'un auditeur. La diction est excellente en italien, et très claire aussi en français.
La jeune pianiste albanaise Pantesilena Jaho offre à sa tante un accompagnement fiable et débordant de délicatesse et de sensibilité. Tout comme pendant le récital de Sonya Yoncheva, le couvercle du piano est entrouvert (alors que la puissance vocale de Lise Davidsen permettait et invitait une grande ouverture du couvercle de l'instrument). La pianiste poursuit aussi la référence Pucinienne, ainsi que la diversité du programme avec la Pastorale du compositeur albanais Kozma Lara. Son jeu en solo est particulièrement délicat, avec une grande fluidité et beaucoup de passion, renforçant d'autant la grande complicité entre les deux musiciennes, connexion rendue encore plus éloquente à voir la pianiste réciter quelques textes en même temps que la soprano.
Très bien reçu par le public de Peralada, le concert se termine avec "Un bel di vedremo", l'air emblématique de Madame Butterfly (rôle créé par Rosina Storchio et devenu pour beaucoup indissociable d'Ermonela Jaho). Un torrent d’applaudissements de l'auditoire enthousiaste répond aux remerciements de la soprano. Tante et nièce proposent au public deux bis : "Io son l’umile ancella" d’Adriana Lecouvreur (Cilea) et "Ombra di nube" de Licinio Refice, entraînant une nouvelle salve d’applaudissements.