Titon et l’Aurore éblouit les yeux et les oreilles à l’Opéra Royal de Versailles
Le metteur en scène Basil Twist, qui signe aussi les décors, les costumes et la création des marionnettes, offre un écho éblouissant à la musique de Mondonville. La note la plus emblématique est sans doute la présence continue des marionnettes (brebis, personnages humains et divinités) interagissant avec les interprètes, mises en mouvement par des marionnettistes très habiles vêtus de noir. Les costumes, riches et fastueux, notamment pour les personnages immortels, frappent la vue du spectateur à travers leurs couleurs, leurs matières (laine de brebis pour la traîne de Palès, draps argentés et aériens pour Eole, tissu scintillant et brillant pour l’Aurore, feuilles de lierre pour les nymphes, paillettes pour l’Amour) et leurs accessoires qui renforcent la crédibilité de leurs rôles. Les personnages mortels, Titon et les bergers, se distinguent par une modestie qui leur confère l’aspect humain attendu.
Les décors sont très peu nombreux, exception faite d'une simple construction dans le prologue, mais ils sont plutôt réalisés à l’aide des images vidéo créées par Daniel Brodie, chargeant de décrire les différents paysages naturels ainsi que d’accompagner l’entrée des personnages (par exemple, l’Aurore rentre sur scène presque toujours accompagnée par une auréole projetée sur l’écran derrière elle). La lumière de Jean Kalman complète le rendu des différentes ambiances et atmosphères, en choisissant alternativement les couleurs plus chaudes (scène d’amour, du feu, de fête) ou plus froides (orages, vengeance, haine) en rapport avec la dramaturgie.
Avec son toucher léger et délicat typique du timbre des instruments d’époque, l’Orchestre des Arts Florissants fait néanmoins preuve d’une grande virtuosité et énergie notamment dans les passages et interludes instrumentaux, guidé dans son élan par le geste de William Christie qui dirige avec passion et entrain, en se montrant complètement à l’aise dans une partition qui ne fait pas partie du répertoire habituel. Très remarquée aussi est la présence des percussions et divers accessoires sonores particuliers (appeaux, boîte à tonnerre, trompe pour faire le vent, machine pour les brebis) qui plongent pleinement le public dans l'ambiance pastorale.
Le Chœur des Arts Florissants déploie sa richesse vocale mais fait aussi montre d'une présence scénique convaincue, n’apportant pas seulement un fort soutien musical mais aussi dramaturgique dans toutes les scènes qui prévoient sa présence.
Le rôle-titre masculin est incarné par Reinoud van Mechelen qui, à l’instar de sa tessiture de haute-contre, assume un timbre clair et brillant tout en gardant une certaine richesse, mais qui perd un peu d’assurance dans son aigu final. Sa partenaire protagoniste, l’Aurore interprétée par Gwendoline Blondeel offre une voix virtuose et douce à la fois, spécialement dans les vocalises (imitation des oiseaux par exemple), en montrant une grande aisance dans les passages d’interprétation entre la gaité et la rage. Les duos des deux protagonistes montrent une réelle synergie, présentant sur scène une convaincante union amoureuse.
Le deuxième « binôme » d’amants formé par Eole et Palès est respectivement interprété par Marc Mauillon et Emmanuelle de Negri, le premier proposant un large éventail d’extension vocale et une bonne articulation des phrases, la deuxième démontrant un timbre chaleureux sur un rythme bien scandé.
La soprano Ana Vieira Leite dans le rôle d’Amour, semblant s’adresser plusieurs fois directement au public à travers sa voix bien projetée, fait preuve de grand lyrisme, en gardant à la fois une agréable légèreté de souffle et une intention gaie.
Renato Dolcini, baryton interprète de Prométhée, s’impose d'emblée sur la scène du Prologue à travers la maîtrise d’une voix alliant des sons les plus aigus jusqu’aux plus graves, manquant toutefois de puissance sonore à certains endroits.
Les trois nymphes Virginie Thomas, Maud Gnidzaz et Juliette Perret régalent le spectateur grâce à leurs voix mélodieuses et suaves, en atteignant des moments fort émouvants, bien que leur présence vocale s’inscrive seulement au troisième acte.
Mention commune doit aussi être faite à tous les solistes pour leur jeu d’acteur : la représentation des sentiments à travers la voix et l’expression du visage et des gestes rend la globalité de l’œuvre passionnante et touchante.
Le public, réceptif de bout en bout, salue les artistes avec un immense enthousiasme (retenu difficilement à plusieurs moments entre deux numéros musicaux) : la plupart des spectateurs est debout en signe de grande reconnaissance pour l’équipe artistique au complet.