Florilège de mélodies orchestrales avec le Palazzetto Bru Zane au TCE
Dans la perspective du présent concert, le Palazzetto Bru Zane a d'ailleurs fait paraître un nouvel enregistrement comportant 25 mélodies avec orchestre de Jules Massenet -le Catalogue général des œuvres du compositeur (Dibbern/Oléon) publié en 2016 recense près de 300 titres au niveau de la mélodie-, la plupart inconnues et jamais données au concert. Porté avec intensité poétique comme pour cette soirée au Théâtre des Champs-Elysées par Hervé Niquet placé à la tête de l’Orchestre de chambre de Paris, ce disque bénéficie des prestations de Véronique Gens, Jodie Devos, Nicole Car, Chantal Santon-Jeffery, Cyrille Dubois et Etienne Dupuis.
Le programme proposé au Théâtre des Champs-Elysées se veut plus large et plus étendu (en complémentarité de l’apport majeur de Jules Massenet) à d’autres compositeurs français comme Gabriel Fauré, Camille Saint-Saëns, Ernest Chausson et Théodore Dubois. A Véronique Gens sont venus se joindre trois autres artistes lyriques, comme elle amoureux non transis de la mélodie, Hélène Guilmette, Julien Dran et Tassis Christoyannis, mais aussi trois instrumentistes de prestige, Emmanuel Ceysson à la harpe, Cédric Tiberghien au piano et Xavier Phillips au violoncelle. Ce dernier apport se révèle essentiel, lesdits instrumentistes venant comme transcender l’interprétation du chanteur et de la partie orchestrale par leurs interventions toutes de finesse et empreintes d’une haute musicalité. C'est notamment le cas pour Les Roses d’Ispahan de Gabriel Fauré où Véronique Gens déploie de subtiles couleurs ou pour La Nuit d’Ernest Chausson où les voix de Julien Dran et Tassis Christoyannis s’entrecroisent avec bonheur sous les harmonies de la harpe d’Emmanuel Ceysson. Dans Angélus de Camille Saint-Saëns, avec une nouvelle fois l’appui d’Emmanuel Ceysson, la voix aérienne et d’une exquise pureté d’Hélène Guilmette traduit la juste élévation de la mélodie. Ce même sentiment se dégage de son interprétation toute emplie de poésie du Poète et le Fantôme de Massenet, Xavier Phillips venant se joindre alors à eux. Ce dernier propose au violoncelle solo une version à la fois raffinée et bouleversante de l’Invocation tirée des Erinnyes de Jules Massenet, pièce musicale s’inscrivant au sein de la Tragédie antique éponyme de Leconte de Lisle et transformée plus tard en mélodie sur un texte de Louis Gallet, devenant la fameuse et incontournable Elégie. Alternant vaillance et délicatesse, Julien Dran s’impose par la franchise de son approche et sa voix de ténor désormais bien étoffée dans Hymne d’amour de Massenet et Aimons-nous de Saint-Saëns, tandis que Tassis Christoyannis impose sa verve et la belle largeur de sa voix de baryton à L’Improvisatore, mélodie très rythmée de Massenet. Véronique Gens aborde pour sa part avec Emmanuel Ceysson la ravissante mélodie de Théodore Dubois, Celui que j’aime où l’humour délicat de la cantatrice et le scintillement de sa voix de soprano font merveille, rejoignant ensuite sa consœur Hélène Guilmette pour El desdichado de Saint-Saëns, particulièrement vif et enlevé.
Pour conclure cette belle fête de la mélodie, tous les artistes réunis interprètent le rare cycle de Jules Massenet, Chansons des bois d’Amaranthe, constitué de cinq mélodies printanières sur des poèmes fort bucoliques de Marc Legrand : Ô bon printemps, Oiseau des bois, Chères Fleurs, Ô ruisseau, Chantez. Le plaisir de chanter ensemble ces ravissantes pages un rien sentimentales et légères transparaît avec naturel et une complémentarité contagieuse pour le public.