Le TCE rallume le feu sacré de La Vestale de Spontini
Dans le cadre de son festival parisien, le Palazzetto Bru Zane présente au Théâtre des Champs-Elysées une version concertante de La Vestale de Spontini. Créée en 1807, période agitée et peu propice à la création, l’œuvre aura bénéficié du soutien de Joséphine de Beauharnais, alors encore épouse de Napoléon : elle connut ainsi un succès critique et public (avec plus de 100 représentations d’affilée puis des traductions du livret en allemand et en italien), avant de tomber dans une plus grande rareté (sans toutefois jamais disparaître totalement des scènes lyriques). De fait, la musique est riche et fournie. L’auditeur y entend encore Mozart (mort 16 ans plus tôt), et déjà Bellini (pourtant encore jeune enfant à cette date).
Christophe Rousset dirige son orchestre des Talens Lyriques d’une gestique douce mais ferme, sans baguette et les doigts écartés, témoins de la tension (et de l’attention) qu’il infuse dans ses tempi allants et les contrastes sculptés. Si les cordes dessinent des traits vifs et précis, les cuivres paraissent moins à leur avantage. Le Chœur de la Radio flamande offre une grande précision dans ses interventions, tant dans sa rythmique que dans sa diction. La clarté des timbres met en valeur les pages qui anticipent déjà le romantisme français.
Marina Rebeka se confronte au difficile rôle de Julia, de sa voix épaisse et projetée, aux reflets argentés et aux aigus intenses et vibrants. Elle assume son long monologue entamant l’acte II sans faiblesse, nuançant son chant pour offrir un discours musical éloquent et maintenir vive la flamme de l’attention des auditeurs. Interprète de Licinius, Stanislas de Barbeyrac affiche une évolution vocale qui le mènera sans doute vers de nouveaux répertoires : toujours riche en timbre, elle a gagné en vigueur dans le registre grave (très sollicité dans cette partition), désormais proche d’un baryténor, et affiche un timbre plus ténébreux. Son phrasé est travaillé et incisif malgré un vibrato parfois trop présent.
Si le rôle de Cinna est écrit pour un ténor (il était d’ailleurs chanté par Jean-François Borras in loco en 2014, par Julien Dran à La Monnaie en 2015 ou plus récemment par Sébastien Guèze au Théâtre de la Vienne), il est ici interprété par le baryton Tassis Christoyannis, qui s’appuie sur une voix, certes grave, mais brillante. Son émission vaillante repose sur une diction très claire, dont les consonnes fusent pour appuyer les nobles sentiments du personnage. Aude Extrémo est une Grande Vestale au cœur et à la voix de pierre, qui plonge puissamment dans des profondeurs abyssales. Ses phrasés sont souples et bien construits, s’appuyant sur un souffle imposant. Nicolas Courjal expose en Grand Pontife sa voix au grain noir et brillant, et au large vibrato, mais se trouve inhabituellement mal à l’aise face à la prosodie de sa partition. Tonnante et vive, sa voix s’adoucit à l’heure du pardon offrant un registre vocal renouvelé. David Witczak chante les rôles d’un Consul et du Chef des Aruspices d’une voix ambrée et accentuée.
Le public applaudit longuement mais sans éclat les protagonistes de ce concert, satisfait d'avoir pu entendre un chef-d'œuvre rarement proposé au public.