Une Heure lyrique au rythme des quatre saisons à l’Opéra National du Rhin
Avec l’oubli de la grisaille hivernale, l’arrivée du printemps et la venue prochaine de l’été, cette Heure Lyrique vient rappeler le tournoiement des saisons, qui, dans leur cycle imperturbable, suscite des sentiments contradictoires ainsi qu’une symbolique du temps et des âges de la vie. Ainsi, aussi évidentes soient-elles sous les cieux des climats (encore) tempérés, les saisons sont une source d’inspiration intarissable pour compositeurs et poètes. Conçu au rythme des quatre saisons, du printemps à l’hiver, le programme condense pas moins d’une douzaine d’airs et de chansons du XIXe à la seconde moitié du XXe siècle. À la diversité des saisons répond également une pluralité linguistique, de genres et de répertoires dans les œuvres choisies, entremêlant des Lieder de Schumann et le répertoire de Kurt Weill inspiré de la chanson de cabaret, des mélodies italiennes de Rossini et de Tosti, les chansons françaises de Barbara, Joseph Kosma, les mélodies de Massenet et de Reynaldo Hahn ainsi que le répertoire de Gustav Holst. Malgré l’hétérogénéité et la densité du programme, une narration émerge de l’ensemble, les premières amours de jeunesse dans l’éclosion du printemps avec le cycle des Dichterliebe de Schumann, la solaire Matinée d’été de Massenet, suivie par la mélancolie des souvenirs suscitée à l’automne et rappelée dans les Feuilles mortes de Joseph Kosma ou encore L’énamourée de Reynaldo Hahn. Puis vient la froidure de l’hiver dans Inverno triste de Tosti, heureusement semée d’éclaircies avec In the bleak midwinter, l’hymne de Noël de la poète Christina Rossetti mis en musique pas Gustav Holst.
D’abord discrète et un peu retenue, la voix de la soprano Emmanuelle Schuler s’aiguise et perce tout particulièrement dans le trio de Schubert, Der Hochzeitsbraten, où elle jongle entre onomatopées et un jeu scénique finement travaillé, tirant ainsi quelques rires du public. Avec souplesse et mesure, elle modèle son timbre en fonction des répertoires, interprétant avec une prosodie modèle Barbara ou encore le Nanna’s Lied de Kurt Weill. Ici, ses aigus se font insolents, ses graves plus tranchants, gardant les yeux -remplis d’émotion- rivés sur son auditoire.
Le ténor Jean-Noël Teyssier fait briller des aigus légers et clairs. Parfois un peu nasillard, le timbre conserve sa pureté dans les airs d’opéra puis gagne en épaisseur et revêt une douceur en demi-teinte qui n’est pas sans évoquer cet entre-deux propre aux intersaisons, lorsque le soleil brille sur la pluie. Malgré l’intensité des fortissimi et la finesse du vibrato, sa prononciation un peu approximative et sa présence scénique d’abord très discrète affadissent quelque peu ses interprétations.
Les mains ouvertes, et le regard parcourant l’assemblée, le baryton Fabien Gaschy aborde le répertoire schumannien avec un tempo très lent et une prononciation impeccable, habitant et habillant chaque syllabe. De texture un peu voilée dans les médiums et tremblante dans les aigus, le timbre s’épaissit dans les graves, et s’affirme dans le trio de Schubert. Si le vibrato est parfois larmoyant, l’intensité de sa voix ne perd pas en puissance et emplit sans effort la salle.
Avec un toucher très précis et des mélodies chromatiques soigneusement chantées dans le cycle pianistique Les Saisons de Tchaïkovski, la pianiste Manon Parmentier se joint même au trio des chanteurs pour former le quatuor requis dans l’arrangement d'Harold Darke sur l’œuvre d'Holst.
Le temps cyclique suit son cours, le concert se clôt sur les acclamations du public et sur le retour du printemps avec la « Chanson des escargots qui vont à l’enterrement » de Jacques Prévert, mise en musique par Joseph Kosma, et dont l’interprétation pleine de candeur ravit l’assemblée.