Michel Fau en George Dandin : rires et plaintes à l’Athénée
Après Versailles et Avignon (entre autres dans cette grande tournée), Michel Fau et toute une troupe théâtrale et musicale posent leurs valises durant tout ce mois de mai au Théâtre de l’Athénée avec George Dandin, comédie écrite par Molière pour « Le Grand divertissement royal de Versailles » du 18 juillet 1668 célébrant la signature du traité d’Aix-la-Chapelle. Cette savoureuse satire sentimentale et sociale est illustrée par la verticalité des décors (Emmanuel Charles) : une tour-arbre représentant la maison de Dandin, en même temps que les hiérarchies et dominations sociales sur plusieurs étages. Le plateau rappelle le berceau Versaillais avec une toile de fond bleue décorée de fleurs de lys dorées, et replonge dans l’époque baroque avec ses subtils jeux d’ombres et de couleurs féeriques et cauchemardesques (notamment l'éclairage de Joël Fabing, par le dessous, comme à la bougie). Les costumes griffés Christian Lacroix parachèvent l’éblouissement des spectateurs avec les bergers-chanteurs aux hautes coiffes.
Molière et Michel Fau rendent George Dandin à la fois risible et attachant, comique et tragique. Les malheurs et injustices s’abattent sur ce riche paysan ayant eu la mauvaise idée d’épouser grâce à son argent une jeune fille noble pour gagner le droit (ridicule) d’être appelé Monsieur de la Dandinière. L’interprète sait déployer une savoureuse expressivité gestuelle et faciale, au service de l’étonnement et de la comédie grâce au plein appui de ses différents registres de voix. Le charmant Clitandre est interprété par Armel Cazedepats, expert en flatteries auprès du vieux Baron de Sotenville (noble plus sot que sage malgré les apparences tel que personnifié par Philippe Girard) et de la prude Madame de Sotenville, grinçante Anne-Guersande Ledoux. Alka Balbir fait d'Angélique une impudente loin de l'attendrissante jeune fille, mais sans exagération inutile. Enfin (côté jeu), le couple de servants est porté par la forte voix de Nathalie Savary en Claudine ainsi que l'hilarant, maladroit et animal larbin Lubin de Florent Hu.
Pour équilibrer ces moments très comiques de théâtre, Lully apporte des intermèdes musicaux très touchants, en particulier la Plainte en Musique de Cloris que capte et captive la soprano Cécile Achille, par la clarté et la rondeur de sa voix, avec ses intentions nuancées. Caroline Arnaud offre davantage de rondeur mais un peu moins de présence en Climène, chantant du haut de la tour un air plus allant mais que la distance et le manque d’ouverture des voyelles rendent malheureusement peu compréhensible. Le ténor David Ghilardi et le baryton-basse Virgile Ancely impressionnent par la communion de leurs duos, partageant, avec exactitude, prononciation et intonations. Le premier prête son timbre clair au personnage de Tircis, avec des parties en ensemble agréablement brillantes, tandis que le second offre au personnage de Philène une voix très ronde avec sa profondeur de registre.
Disposé en fond de scène, de part et d’autre du grand arbre-tour, avec d’un côté le clavecin et les vents, de l’autre les cordes, l’Ensemble Marguerite Louise doit manifester une attention constante pour corriger rapidement les petits décalages. Sous les gestes amples et vivants de Gaétan Jarry, qui dirige depuis le clavecin, les musiciens parviennent à insuffler des phrasés avec intentions et au service des chanteurs.
Le pauvre George Dandin reste trompé et malheureux, mais, grâce à l’intermède final de Lully, finit par se consoler dans les plaisirs enivrants de Bacchus (plutôt que dans l’eau –moins savoureuse– où il voulait se noyer). Après de joyeux rondeaux où se disputent l’amour et le vin, tous finissent par se mettre d’accord afin de célébrer les plaisirs réunis. Plaisirs partagés avec les spectateurs, qui manifestent leur entrain lors des saluts.