Lancement du grand week-end Xenakis à Radio France
Le compositeur (actuellement célébré dans une exposition à la Philharmonie de Paris) fait l’objet d’un grand week-end spécial à l’Auditorium de Radio France, occasion d’interroger la musique comme l’esthétique de Xenakis. Les deux œuvres du compositeur jouées ce soir alternent avec deux autres œuvres qui permettent de mieux comprendre sa musique mais aussi ses perspectives dans l’histoire de la musique au XXe siècle.
Le choix de commencer par le Scherzo fantastique (1909) de Stravinsky, qui manipule la masse orchestrale de manière encore classique, laisse déjà percer les notes de la modernité qui se retrouveront plus tard dans des pièces comme le Sacre du printemps. Cette introduction « historique » laisse alors place à Keqrops, œuvre concertante dans laquelle Nicolas Hodges brille au piano face à l’Orchestre Philharmonique de Radio France, laissant éclore une certaine poésie dans la masse tellurique de l’œuvre de Xenakis.
Fidèle à ses choix de promouvoir la musique contemporaine, Radio France insère alors un Concerto pour hautbois et orchestre : commande faite à Philippe Hurel, comme pendant à Keqrops, qui conjugue déconstruction sonore et intensité des masses (mettant cette fois à l’épreuve la hautboïste Hélène Devilleneuve, à qui est dédié le morceau).
La soirée peut alors se terminer avec Nekuia de Xenakis, œuvre monumentale qui associe le chœur pour proposer un discours sur la mort et le néant, avec une force dans la violence que seul le concert live peut réussir à transmettre. Les musiciens de l’orchestre semblent éprouvés, mais entrent malgré eux dans la transe fatale de Xenakis, entrainés par les voix hypnotiques du Chœur de Radio France, à l’intonation variable, mais toujours engagé.
Les voix féminines s’investissent notamment, avec une chaleur salutaire. Les sopranos projettent particulièrement leurs voix, malgré des attaques un peu floues, surtout dans les parties individuelles. Jiyoung Kim, avec quelques passages solistes, se fait ici remarquer par la qualité et la pureté de sa tenue vocale. Les altos manquent un peu de dynamisme mais compensent par leur investissement dans ce qui s’apparente à des contrechants, qualité que possèdent aussi les ténors, bien que la partition ne les mette pas vraiment en valeur. Les basses sont un peu faibles, mais se révèlent dans la deuxième partie de la pièce sous la baguette de Pascal Rophé.
Le chef, grand spécialiste du répertoire commun, dirige en effet cette soirée avec simplicité et efficacité, donnant à chaque soliste une place de choix tout en privilégiant la spontanéité à une sur-intellectualisation de cette musique pourtant conceptuelle. A travers Stravinsky, Philippe Hurel et Xenakis, Pascal Rophé fait aussi le pari du plaisir esthétique, et le public salue dans de larges applaudissements cette expérience intense et rare.