La Veuve joyeuse et sulfureuse valse à l'Odéon de Marseille
Pendant que l’Olympique de Marseille est à Paris pour le championnat de football, Paris est à l’Odéon de Marseille, le rideau de La Veuve joyeuse s’ouvrant sur une tour Eiffel illuminée, projetée sur un écran bleu nuit, entourée de quatre colonnes (l’opérette se déroule à Paris dans un salon d’ambassade, de Marsovie pour la version française ici proposée).
La mise en scène fastueuse et dynamique d’Olivier Lepelletier qui signe également les décors, réserve une place importante aux évolutions des couples sur le plateau et aux chorégraphies d'Esmeralda Albert. Dans l’acte II, un éventail géant cache les amours de Nadia et Camille, l’éventail orné de messages étant un fil conducteur de l’intrigue. Un film en noir et blanc, projeté sur un fragment de rideau, permet de revivre la jeunesse de Missia dans un pays de l’Est. Un french cancan acrobatique, par des danseuses vêtues de rouge vif, séduit notamment le public durant le finale chez Maxim’s.
Charlotte Despaux incarne le rôle-titre, Missia Palmieri séduisant les hommes qui virevoltent dans son entourage, fascinés par les charmes de sa voix souple aux couleurs acidulées, évoluant avec virtuosité et agilité dans le registre aigu. Son phrasé nuancé est ensorcelant et expressif dans la Chanson de Vilja, mais la diction manque de précision au point de rendre le texte incompréhensible.
Entouré de danseuses aux éventails en plumes sur la valse, Anas Séguin interprète le séduisant diplomate et Prince Danilo, jouant de sa voix profonde au timbre chaud, au phrasé soigné et aux paroles intelligibles.
Caroline Géa incarne Nadia (ambassadrice de Marsovie) avec sa voix de soprano colorée, au timbre charnu et au vibrato large. Malheureusement, les paroles ne sont pas toujours compréhensibles. Son soupirant, Camille de Coutançon est interprété par Samy Camps, ténor à la voix puissante, bien projetée, dispensant une articulation de qualité, avec une ligne mélodique particulièrement nuancée dans sa romance.
Olivier Grand chante le rôle de l’ambassadeur Popoff, d’une voix puissante et bien articulée, affirmant son personnage imposant, mais souvent victime des marivaudages de son épouse, Nadia. Son domestique amateur de champagne, Figg, est incarné par Gregory Juppin à la voix franche et projetée, d'“un vrai parisien”. Il se joint à ses collègues et au public qui scande la pulsation en frappant des mains pour “Ah ! les femmes, femmes, femmes”, septuor rigoureux sur le plan du rythme qui mêle de façon harmonieuse et équilibrée les différentes voix.
Carole Clin interprète une Manon coquine, à la voix naturelle, bien articulée, utilisant aussi ses talents de danseuse. L’intervention de Simone Burles (Praskovia), qui attend une déclaration d’amour depuis 98 ans, montre son agilité vocale et ses qualités expressives sur un mode comique.
L’Orchestre de l’Odéon, dirigé avec dynamisme et efficacité par Bruno Membrey, utilise les différents pupitres aux couleurs variées. L’ouverture au tempo rapide est ponctuée par quelques cuivres et un solo de flûte apprécié. La nostalgie des marsoviens est évoquée par des mélodies orientales aux cordes (dont la justesse est parfois à la limite), ponctuées par le tambourin à cymbalettes. L’orchestre assure une rythmique de qualité pour les nombreuses valses et le french cancan final. Les Chœurs sont également assurés, avec des nuances précises et une rythmique infaillible.
Pour clore le spectacle, après le mythique french cancan, l’ensemble des artistes est de nouveau accompagné par le public chaleureux de l’Odéon, qui frappe des mains et fredonne le thème récurrent “Ah ! les femmes…”, manifestant sa joie par de nombreux rappels.