Passion selon Saint Jean à Aix avec Vox Luminis et Café Zimmermann
Depuis 7 ans, le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence alterne pour le Vendredi Saint la Passion selon Saint Jean et la Passion selon Saint Matthieu de Bach. Cette première est proposée au Grand Théâtre de Provence cette année par Vox Luminis et Café Zimmermann, deux ensembles qui se connaissent bien et notamment pour avoir interprété cette œuvre ensemble en concert à plusieurs reprises (notre compte-rendu à Paris en 2019).
Sur scène, les dix-huit instrumentistes de Café Zimmermann sont emmenés par les deux co-fondateurs Pablo Valetti au premier violon et Céline Frisch à l’orgue. Cet ensemble de cordes et de vents relativement restreint déploie harmonie et justesse de timbre avec un équilibre constant, aussi bien dans les tutti que dans les parties solistes (les parties de flûtes et surtout de violoncelle sont particulièrement remarquées).
Le chœur Vox Luminis adopte une disposition avec voix séparées, plus adaptée à l’acoustique assez sèche de la salle pour permettre l’émergence d’un effet de pupitre. L’ensemble saisit immédiatement le public, dès l’introduction, par ses attaques fortes mais sans dureté, qui installent une atmosphère tragique. Entièrement dans leurs rôles, les chanteurs ne sont dirigés par aucun chef de chœur et se réfèrent, pour certains départs, à Lionel Meunier, fondateur et directeur artistique de Vox Luminis. Celui-ci tient le rôle de Jésus Christ de sa voix de basse profonde au timbre chaleureux. Situé en fond de scène, il parvient à imposer sa ligne vocale avec autorité et puissance. A l’exception de l’Évangéliste, les parties solistes sont tenues par les membres du chœur. Ponce Pilate est interprété par Geoffroy Buffière, baryton-basse au timbre cuivré, qui utilise avec brillance sa large palette sonore pour rendre au personnage toute sa complexité. La soprano Viola Blache sait toucher le public par son interprétation de l’Air des larmes à la mort du Christ, de sa voix au timbre rond, bien projetée, proposant des legati ponctués d’un vibrato serré et délicat. Le public salue tout particulièrement la performance du contre-ténor Alexander Chance, qui se saisit du fameux air "Es ist vollbracht" (Tout est accompli). Il en fait un moment de grâce intime par son phrasé tout en douceur, soulignant les retards harmoniques. Par contraste, les vocalises exécutées avec beaucoup de précision dans l’attaque, de clarté et d’articulation, révèlent un autre aspect de son instrument.
Enfin, Raphael Höhn prête à l’Évangéliste sa voix de ténor au timbre léger et clair, parfois acéré. Capable de délivrer des aigus pianissimo très purs, il sait également déclamer avec puissance les moments forts du récit. Partenaire régulier de Vox Luminis et de Café Zimmermann, et habitué des Passions de Bach, il s’accorde pleinement avec l’orchestre et distribue ou reprend la parole aux solistes avec fluidité. Placé au milieu de l’orchestre, près de l’orgue, il habite complètement son rôle, qu’il ponctue de gestes de tribun.
Le concert s’achève sur un silence ému de quelques secondes empreintes de recueillement. Le temps se trouve ainsi comme suspendu, avant le début de l’ovation finale, qui malgré son insistance (la messe étant dite) n’obtient pas de rappel.
Profitez également de notre compte-rendu et de la vidéo intégrale de La Passion selon Saint Matthieu par Pygmalion à l’église de la Madeleine d’Aix-en-Provence l'année dernière