Retour vers la naissance de l'Orchestre de La Monnaie avec Jodie Devos et Cyrille Dubois
La soirée propose ainsi un voyage dans le temps, plongeant vers les grands succès du XVIIIe siècle : les opéras-comiques infiniment populaires d’André Grétry qui se jouaient alors que le jeune Mozart avait l’âge de s’assoir sur les genoux de Pieter Van Maldere (alors directeur de La Monnaie, également violoniste et compositeur, également au programme de ce concert anniversaire).
Avant toute chose, Alain Altinoglu dédie la soirée en hommage à Philippe Boesmans, compositeur très aimé de la maison, récemment décédé et auquel l'institution culturelle consacrera un nouveau rendez-vous d'hommage mardi prochain 19 avril à 15h, avant de créer son nouvel opéra en décembre. Accompagné d’un alto, d'un violoncelle et d'une clarinette, Alain Altinoglu entame au piano un extrait d'Ornamented Zone de Boesmans : sans voix (et laissant le public de même), avec juste des notes qui pleuvent en hommage à la construction musicale baroque et moderne, ce point de départ sert de trait d'union éloquent pour tout ce programme et l'histoire de la maison.
Des larmes aux rires, de la modernité à l'histoire, l'auditoire plonge dans un état euphorique avec l'Orchestre et l'Ouverture du Guillaume Tell (1791) de Grétry. Les temps sont marqués avec la puissance évoquant les épisodes épiques de ce drame. La direction d'Alain Altinoglu se nourrit d'un engagement physique dans le son et d'une vision au long cours, traduisant comme à son habitude par sa versatilité et sa souplesse, une construction énergique, subtile et pourtant très incarnée. La musique de Grétry déploie ainsi sa force alliant noblesse et comique du propos.
À l'image du belge Van Maldere et du belge puis français Grétry, La Monnaie invite la soprano nationale Jodie Devos et le ténor français (de Ouistreham) Cyrille Dubois. Jodie Devos revient ainsi à La Monnaie après La Flûte enchantée par Romeo Castellucci et un récital Offenbach colorature (et avant la création du prochain opéra de Boesmans). La chanteuse entre en scène avec une présence solaire, la voix placée est claire et altière dès les premiers instants. Les notes roulent sans difficulté apparente, avec une précision véloce, ornementée et perlée, servant la noblesse du propos. Qu’il soit comique ou profond, le sujet et le chant restent dignement princiers, avec la grande acuité musicale de ses chromatismes.
La présence de Cyrille Dubois lui répond en charisme et en sérénité vocale. La ligne de chant placée et altière sculpte ses phrasés avec l'intelligence de la partition. Profonde, étirée et ample, la voix du chanteur et sa prosodie donnent des couleurs solaires de bel canto à un Grétry ainsi placé au carrefour des temps.
Les deux voix se rejoignent pour Zémire et Azor, se complétant avec richesse, en précision véloce pour la soprano, en théâtralité pour le ténor. La Monnaie confirme ainsi, même pour un récital symphonique anniversaire, la finesse de ses castings vocaux, avant d'interpréter avec puissance la 41ème Symphonie de Mozart, le tout chaleureusement salué par le public.