Soutien étoilé pour l’Ukraine à l’Opéra de Limoges
Cette soirée de soutien est conçue comme un hommage à l’Ukraine, et en particulier à la beauté d’une certaine ruralité, entre montagnes et champs de blés. Avec beaucoup de subtilité, l’Opéra de Limoges choisit de mêler compositeurs ukrainiens et européens, pièces dédiées à l’Ukraine spécifiquement ou morceaux plus canoniques du répertoire, afin de saisir ce qui serait peut-être un certain esprit ukrainien, terriblement mis à mal par la guerre qui s’y déroule et les volontés destructrices, mais qui ainsi ne disparait pas. Cette « Ukraine céleste » comme est appelé le concert est ainsi un voyage entre réalisme et onirisme dans une Europe de l’Est méconnue.
La soirée est d’autant plus émouvante avec la présence de la soprano Olga Yurina, chanteuse ukrainienne arrivée à Limoges au début de la guerre. Elle interprète la Balade dans la montagne d’Anatoliy Kos-Anatolsky et Mélodie de Myroslav Skoryk, pièce originellement pour violon que la soprano transpose à la voix. Olga Yurina fait ici un véritable travail sur le son, en timbrant légèrement sa voix, dont elle joue comme d’un instrument à corde pour des mélodies en forme de ballades à mi-chemin entre musique traditionnelle et atonalité. Elle assume ici avec régularité une intonation particulièrement difficile (la deuxième pièce est ainsi sans paroles), et passe par des attaques franches, parfois un peu trop. Le public salue également tout l’engagement corporel que met la chanteuse dans ces deux œuvres, alors qu’il s’agit de son premier retour sur scène.
Emmené avec puissance par Edward Ananian-Cooper, particulièrement inspiré, le Chœur de l’Opéra chante aussi une pièce spécifiquement ukrainienne, la Prière pour l’Ukraine de Mykola Lysenko. Le jeu de nuances est ici particulièrement développé, la musicalité des ténors s'associant notamment à la prestance des basses. Les voix féminines sont cependant un peu moins engagées : les altos sont ici un peu discrètes et les sopranos, pourtant dans un registre qui les met en avant, restent sobres.
Camille Schnoor est la dernière voix de la soirée, où elle interprète Sept lieder de jeunesse d’Alban Berg et le Lied final de la Quatrième symphonie de Mahler. La soprano propose dans ces deux moments une très grande qualité de voix. Grâce à son velouté si particulier, elle se promène avec une aisance surprenante dans tous les registres. Sa puissance s’allie à une qualité de son rare dans les graves, exercice difficile pour les voix aiguës mais qu’elle maîtrise ici pleinement. Seul regret, dans une soirée si chargée d’émotions, la chanteuse reste contenue dans l’interprétation sur scène.
Camille Schnoor peut aussi compter sur l’orchestre, qui la précède dans la Symphonie de Mahler. La présence des instrumentistes est assumée en particulier par la violon solo Elina Kuperman, avec une grande intensité d’interprétation. Le jeu d’Eléonore Desportes au hautbois se démarque du pupitre des vents par sa présence claire et dynamique. Le chef Robert Tuohy est ici une présence essentielle, proposant une direction particulièrement dynamique, avec un tempo allant, reflétant toute la joie des images bucoliques de Mahler. La symphonie devient cependant peu à peu plus mélancolique, comme le réveil après un rêve de paix initié avec l’Hymne 2001, pièce orchestrale ukrainienne de Valentyn Sylvestrov aussi jouée pendant la soirée.
Cette soirée au bénéfice du Secours Populaire et des Pompiers de l’Urgence Internationale rappelle l'urgence de l’aide nécessaire mais aussi d'un futur culturel, que l’Opéra de Limoges a ici choisi d’envisager avec un espoir de paix, laissant le public heureux et reconnaissant, mais pensif.