L'Opéra de Massy aux couleurs vocales et sauvages de la Jungle
Pour accompagner ce voyage initiatique qui invite à se découvrir et s’affirmer en tant qu’être humain libre, Stéphane Guignard conçoit, dirige et met en scène la rencontre de quatre artistes lyriques aux quatre voix différentes autour de l’histoire du jeune Mowgli. Héros des Livres de la Jungle de Rudyard Kipling, ce bébé abandonné dans la forêt indienne et recueilli par une meute de loups, inspire un livret à Sandrine Roche et la musique au compositeur et membre du quatuor de percussions Hélios, Jean-Christophe Feldhandler. Accompagné de la panthère Bagherra et de l’ours Baloo, menacé par les singes, les hommes et surtout le tigre Sherkhan, le petit homme partout différent doit trouver sa place.
Sur scène, la Jungle est représentée par des lianes montantes et de hautes herbes (tandis que les rochers ou les troncs d’arbre sont matérialisés par des accessoires mobiles de tailles différentes) envahissant les grandes lettres formant le mot JUNGLE. Sous les lumières d’Eric Blosse, les différents tableaux ne perdent jamais en mouvement, les comédiens-chanteurs jouant même de quelques instruments tout en sautant, marchant, courant ou dansant sans perdre le rythme (bien que les intensités évoluent au cours de la soirée). Les quatre chanteurs changent même, avec aisance et fluidité, de rôles et de personnages, passant discrètement derrière un décor ou profitant du changement de lumières pour changer de costumes (réalisés par Hervé Poeydomenge). Chaque personnage, homme ou animal, est toujours facilement identifiable.
Le plus souvent a cappella, ou accompagnées de quelques tenues à l’accordéon, aux percussions ou à la clarinette, les voix montrent leurs multiples possibilités : chanté, parlé-rythmé, onomatopée, beatbox ou même konnakol (technique de percussion vocale), tout autant que différents genres musicaux (de la réminiscence Renaissance au rap en passant par le Gospel). Toutes ces sonorités et influences se suivent, se croisent et se rencontrent dans cet « opéra sauvage ».
La voix brillante et fraîche du ténor Marco Van Baaren donne jeunesse et innocence à Mowgli, en quête de lui-même et néanmoins déjà courageux et même affirmé. Outre son timbre, il convainc particulièrement par la clarté de ses paroles. Le contre-ténor Sylvain Manet prête sa voix agile et lumineuse au terrible Sherkhan (notamment) et il sait diversifier avec une grande aisance les timbres de sa voix tout en évoluant avec vivacité sur scène. La mezzo-soprano Clara Pertuy donne le moelleux de son timbre à Bagherra et charme par l’aisance qu’elle démontre dans des sauts de registres (qui ne paraissent justement pas former de grands écarts). Elle sait également faire entendre des timbres plus rugueux, proches de certaines traditions vocales des pays de l’Est. Enfin, le baryton Halidou Nombre prête évidemment la rondeur de sa voix à Baloo. Bien que paraissant parfois manquer un peu d’assise, il séduit par son aisance scénique ainsi que par le parlé-rythmé, surtout dans la partie rap.
Le jeune public de l’Opéra de Massy particulièrement attentif et même captivé applaudit autant qu’il a voyagé et s’est amusé durant cette heure très rythmée.