Ange et Requiem par Barbara Hannigan à Radio France
Le programme commence toutefois par une troisième référence à un triste lointain et même "au-delà", avec Stojala ja i slukhala vesnu (J’étais debout et j’écoutais le printemps) du chef de chœur, archiprêtre et compositeur ukrainien Kyrylo Stetsenko (1882-1922) : un évident et poignant prélude aux deux œuvres suivantes, chanté a cappella. La mélodie en écho entre deux voix entre scène et coulisses permet à la cheffe de déployer d'abord la finesse cristalline de toute l'étendue de sa voix (mais manquant de matière). Sa direction restera dans cet esprit, minimale et relativement calme, mais d'une battue fondamentalement ferme et rythmée. Les entrées sont marquées mais laissent aux musiciens une grande liberté et autonomie. Le violoniste Christian Tetzlaff s’implique ainsi pleinement dans son interprétation hautement colorée et expressive du Concerto "à la mémoire d'un ange" d'Alban Berg, avec des phrasés tant langoureux qu'énergiques, solides et captivants.
La direction de Barbara Hannigan se métamorphose alors et ensuite pour le Requiem de Mozart. Les intentions sont davantage présentes et encourageantes, l’Orchestre Philharmonique de Radio France produit un son qui ne désemplit pas, avec des phrases polies et poignantes.
Côté solistes vocaux, la soprano Johanna Wallroth projette avec naturel et fluidité une matière globalement voluptueuse et ronde, avec des aigus justes et aériens. La mezzo-soprano Adanya Dunn offre des teintes musclées et harmonieuses mais la voix se laisse parfois couvrir par l’orchestre ainsi que ses partenaires de scène. Le ténor Charles Sy déploie son allure vocale avec la fraîcheur d’une texture suave et légère, dans un doux phrasé. Le jeune chanteur semble même abaisser sa projection afin de s’égaliser aux autres (mais perdant un peu de sa musicalité et de son dynamisme). Chantant la partie grave, Yannis François possède une conduite vocale investie sur chaque phrase et chaque note, mais les profondeurs requises ne sont pas ancrées, tandis que les aigus demeurent un peu restreints.
Enfin et non des moindres pour ce Requiem, le Chœur de Radio France préparé par Maria Forsström se lance dans une interprétation appliquée et marquée de forte impressionnants. Cependant, malgré les directives bienveillantes et détaillées de Barbara Hannigan, le résultat manque parfois d’ampleur, avec une faiblesse sur la justesse du pupitre des sopranos mais un engagement beaucoup plus présent et tonique des pupitres masculins.
La salle, remplie et enthousiaste, applaudit chaleureusement les artistes en leur souhaitant un bon voyage vers le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence où ils donnent ce même programme le lendemain.