Ariane à Naxos à l’Opéra Comédie de Montpellier par Michel Fau
Lors de la présentation de cette production à Toulouse, notre consœur Paula Gaubert soulignait la flamboyance de cette Ariane à Naxos dans la mise en scène de Michel Fau, une caractéristique qui se trouve quelque peu pondérée par le rythme de cette reprise montpelliéraine. La scène partagée en deux dans sa hauteur (l’évocation d’une scène de théâtre classique dominée par les armoiries du maître des lieux sur la partie haute et, en bas, les coulisses et les loges), voit les protagonistes se bousculer un peu dans une effervescence calculée. Le Majordome, sorte de personnage sadique et qui indéniablement tire les ficelles du jeu, se délecte des ordres et contre-ordres qu’il assène durant la préparation de l’Opéra, écrasant de sa prétendue superbe cette tribu de musiciens et de chanteurs, et en premier lieu, le fragile Compositeur.
Le comédien Florian Carove, déjà présent à Toulouse et qui travaille beaucoup dans les pays de langue allemande, livre en Majordome une prestation pleine d’ironie et de mépris, mais fort réjouissante. Il cherche à opposer encore plus les deux mondes qu’il côtoie. Mais au terme de la présentation, tout rentrera dans l’ordre et au final, le Compositeur de retour sur scène (tout en révélant qu’il est une femme interprétant un rôle masculin), profitera sans ironie d’un succès bien mérité.
Dans l’approche onirique de Michel Fau, l’illusion s’avère particulièrement palpable. L’Opéra en lui-même offre la vision d’un terrible Bacchus à gueule ouverte, sorte de grotte fantastique et d’entrée des enfers, à l’image de La Porte de l’Ogre dans le Parc Des Monstres, fameux Jardins de Bomarzo situés dans la région de Viterbe en Italie. Durant les parties comiques, ce Bacchus s’éclaire de petites ampoules qui viennent égayer l’action. Ce spectacle bien réglé dans l’ensemble et malgré tout encore un peu sage, qui mélange les périodes du XVIIIème siècle et de la création de l’ouvrage, doit beaucoup aux décors et costumes -superbes et empanachés-, créés par David Belugou et aux lumières étudiées de Joël Fabing.
Dans le rôle-titre d’Ariane, Katherine Broderick déploie des moyens larges et assurés reposant sur une ligne de chant constamment chaleureuse, emplie d’une émotion très palpable. L’aigu sonne un peu dur toutefois, un rien forcé. Le ténor américain Robert Watson aborde l’impossible tessiture du rôle de Bacchus avec des moyens imposants et une puissante conviction. Ses "Circe" passent sans difficulté et il parvient même à impulser une part d’émotion à sa prestation.
Hongni Wu incarne le beau rôle du Compositeur avec candeur et cette naïveté qui la mènera à céder aux enchantements de la coquette sinon retorse Zerbinette. Sa voix de mezzo-soprano aux graves soyeux et au légato maîtrisé, habite le rôle de bout en bout. En Zerbinette, la ligne de chant et la voix en elle-même de la soprano Hila Fahima manquent d’égalité et de franche virtuosité. Le suraigu et un certain abattage, voire un charme avisé, ne parviennent qu’à donner une idée partielle de ce rôle multiple.
Au sein du Prologue, William Dazeley (Le Maître de Musique) et Jean-Philippe Elleouet-Molina (Le Perruquier) remplissent leur tâche respective avec placement et justesse, tandis que Manuel Nunez-Camelino offre au personnage du Maître à Danser, ici fort précieux et richement habillé, sa jolie voix de ténor souple et lumineuse.
Outre l’aisance scénique, le jeune baryton polonais Mikołaj Trąbka déploie en Arlequin la qualité et la facilité de sa voix aux riches harmonies, dotée d’aigus émis avec aisance et franchise. Les autres interprètes de la partie Commedia dell'arte, Alexander Sprague (Scaramouche), Nicholas Crawley (Truffaldino) et Antonio Figueroa (Brighella) ne déméritent pas et se fondent aisément dans l’action.
Les voix des Trois Nymphes peinent un peu à s’harmoniser. Au mezzo-soprano un rien appuyé de Julie Pasturaud en Dryade, répond le soprano vif et alerte, aux belles envolées de Norma Nahoun (Echo) et le soprano lyrique de Samantha Gaul (Naïade).
Placé à la tête de l’Orchestre national Montpellier Occitanie, le chef Christian Arming veille aux précieux équilibres de cette partition presque de chambre tout en déployant la plénitude de la sonorité. Sa direction pourrait cependant déployer un peu plus de poésie pour s’associer plus pleinement encore au spectacle visuel et vocal.
Le public de l’Opéra Comédie ravi n’est pas avare de ses applaudissements.