La Passion selon Saint Jean : soirée Pascale au Théâtre des Champs-Elysées
Sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, nul chef ne manie la baguette devant le Chœur et l’Orchestre de l'Âge des Lumières, conduits par les respirations du premier violon Maggie Faultless et du ténor Mark Padmore. Le public est ainsi témoin du travail et de l'harmonie (dans tous les sens du terme) des musiciens. Les choristes ne font qu’un, chaque phrase chantée d’un seul et même souffle se terminant par des consonnes percutantes parfaitement synchronisées. Les familles d’instruments se complètent, se répondent et se détachent subtilement.
Dans la peau de l’Évangéliste, Mark Padmore narre l’histoire à l’aide d’un timbre léger et guide ainsi de sa voix le groupe de solistes qui donne vie au livret biblique. Les vibratos sont à peine présents, chaque note se détache sans aucune difficulté et sans forcer. Le ténor chante à l’arrière du palais et dans le masque pour projeter sa voix dans la salle tout en guidant les choristes par de subtils mouvements corporels. Le baryton néerlandais Raoul Steffani tient le rôle de Jésus Christ, seul sur le côté de la scène pour ses arias. Très ancré dans le sol, il fait preuve d’une très grande douceur notamment dans les graves et par son timbre chaud et rond. Jonathan Brown est Ponce Pilate. S’il a peu d’interventions, il montre tout de même un son très riche, presque gras dans les graves.
Mary Bevan et Paula Murrihy sont les deux voix solistes féminines de la soirée. La première montre une maîtrise de son soprano dans une délicatesse à toute épreuve. Elle apporte beaucoup de nuances, proposant des pianissimi bouche presque fermée et des attaques très douces. Ses graves sont retenus, menton baissé pour que le son passe comme par l’arrière de sa tête très légèrement penchée vers l’avant. La seconde propose quant à elle de beaux legati où son vibrato prend vie. Le timbre est rond et contenu, notamment pour annoncer la mort du Christ en duo avec la viole de gambe. Si la mezzo-soprano manque parfois de puissance dans les graves, la qualité des silences fait résonner les harmoniques de sa voix.
Enfin, le jeune ténor Laurence Kilsby fait assurément figure de belle découverte pour de nombreux auditeurs. Bien qu’il ne joue pas un rôle défini dans la narration, il est habité par le texte et arrive à montrer une riche palette d’émotions, ce qui s’explique notamment par l’absence de partition pendant son aria (contrairement aux autres solistes). Les attaques sont précises, le timbre cuivré et sa maîtrise des nuances est impeccable, finissant dans un murmure. Les vibratos sont peu nombreux, laissant place à de magnifiques phrasés où il montre un grand travail sur le souffle.
Le public félicite très chaleureusement les musiciens à l’issue de la représentation, visiblement touché par le tissu musical homogène présenté sur scène.
Magnifique Passion selon Saint Jean hier avec lOrchestra of the Age of Enlightenment au @TCEOPERA Moment de grâce qui nous porte haut pic.twitter.com/K0v8d3g7no
— Caroline Sénéclauze (@CaroSeneclauze) 7 avril 2022