Mozart for Kids à La Monnaie, enfance retrouvée
Prévu normalement deux fois par an, le programme Mozart for Kids reprend son cours suite à la réouverture du secteur culturel : une occasion de renouer les ponts avec un public des plus réactifs, mais aussi de plonger pour les plus grands dans une écoute musicale renouvelée. Cette saison, le chef d’orchestre Ouri Bronchti (qui remplace au pied levé Alain Altinoglu touché par le covid) fait donc découvrir les secrets de l’Orchestre Symphonique aux jeunes fans de La Monnaie à travers l’œuvre emblématique qu'est La Flûte enchantée.
La salle bondée, un temps agitée, se trouve d'un coup plongée dans le silence attentif. Présent sur scène, l’Orchestre Symphonique de la Monnaie en grande formation s’offre comme un décor magistral pour petits et grands. Des cloches au glockenspiel traditionnel en passant par les hautbois, clarinettes et flûte orientale, chaque musicien semble expliquer et faire raisonner son instrument avec pédagogie. La musique se montre, et elle s’explique grâce à la présence scénique du narrateur Filip Jordens, qui, entre néerlandais et français, résume avec des touches humoristiques les tenants et aboutissants de La Flûte enchantée. Papageno rêve de sa Papagena, Tamino tue le serpent (représenté par une énorme marionnette en tissu), la Reine de la Nuit agite sa baguette avec fougue, et les enfants rient, applaudissent.
Au service de cette interprétation, les quatre solistes lyriques de la maison s’offrent avec spontanéité. Emma Posman, habituée du rôle de la Reine de la Nuit, déploie une apparente facilité de chant. Celle qui avait accepté en 2018 au pied levé (trois heures avant la première) d’interpréter ce rôle périlleux au prestigieux Festival de Salzbourg, pour une retransmission en direct, poursuit sur son audacieuse lancée et sa grande adaptabilité à la MM Academy de La Monnaie. Reconnaissable par une voix souple et très ornementée, l’élégance vocale de la chanteuse affirme un statut altier à la mesure de son rôle. Claire, directe, précise et véloce, la voix de la soprano touche les aigus sans difficulté et dessine une reine de la nuit vibrante de colère, féminine et aérienne.
La jeune soprano Margaux de Valensart trouve elle aussi en Pamina un rôle à la mesure de son élégance vocale, ronde, ample, riche et capable de lignes très claires. Pamina est ainsi complexe, autoritaire et fière, ses aigus sonnent perçants, légers et limpides (pour celle qui reviendra en coryphée et Bohémienne dans Les Huguenots de Meyerbeer prévu en juin prochain). Le baryton Kamil Ben Hsaïn Lachiri montre également une apparente facilité de jeu et une précision de voix, s’adaptant avec malice au regard et aux oreilles des enfants, offrant un caractère touchant d’une simple efficacité de jeu, avec une richesse de voix perspicace.
Enfin, Maxime Melnik, que le public bruxellois vient tout juste d'applaudir en jeune chanteur rocker du Triptyque de Puccini (et qui reviendra la saison prochaine) offre une voix précise et claire au fourbe et vil Monostatos. Les arias sonnent placées, pincées, serrées car nourries de tendance démoniaque (qui ravissent les jeunes enfants). Puissante, véloce et précise, la diction du chanteur s’accorde avec une gestuelle très théâtrale.
Les enfants applaudissent et s'annoncent en ce faisant comme une nouvelle génération de mélomanes émerveillés par le partage de ce moment privilégié, servi par un casting dévoué.