Idoménée Ier, nouveau roi de Crète en Avignon
Le rideau se lève sur un décor simple : le fût d’un canon qui tourne et servira à bien d’autres fins (se transformant, entre autres choses, en socle de statue, volcan, entrée d’un puits sans fond). La sobriété de la mise en scène (les costumes gris rendent une teinte générale uniforme) met en valeur le protagoniste, Idomeneo avec son manteau rouge.
Les lumières de Giacomo Gorini et les vidéos signées Simone Rovellini contribuent à mettre en valeur les personnages avec des nuances d’illumination, et à créer des effets permettant de mieux suivre les évènements (telles ces flammes qui fondent le métal pour créer une statue, cette lave incandescente qui descend sur le flanc d’un volcan, ou ce ciel bleu illustrant le soulagement et le retour au pays).
Le Chœur de l’Opéra Grand Avignon, préparé par Aurore Marchand, illumine le plateau de ses voix brillantes et homogènes. Leurs interventions déploient un effet de groupe éblouissant et puissant, instillant le sentiment de suspense propre aux différentes scènes. Ninon Massery et Clelia Moreau (deux Crétoises) ainsi que Julien Desplantes et Augusto García (deux Troyens), rajoutent au dramatisme des scènes auxquelles ils participent, grâce à leurs voix brillantes et agréablement contrastées.
Sûr de lui, le ténor Jonathan Boyd incarne Idomeneo en séducteur au jeu de scène efficace. Chacune de ses interventions est remarquée par sa présence et son aplomb scénique, mais aussi par sa voix soutenue et projetée, emplissant la salle sans grande difficulté. Ses aigus sont tout aussi puissants et assurés que ses médiums. Cependant, lors de son air "Fuor del mar", ses vocalises manquent d’agilité, et donc de précision.
Le personnage d’Idamante est interprété par la mezzo-soprano Albane Carrère. Apparaissant un peu en retrait par moments, elle gagne en assurance et force de conviction. Elle infuse à son personnage de jeune homme, la fraîcheur et la naïveté de son timbre mielleux et sombre, également grâce à une belle étendue vocale et à des nuances qui donnent de la profondeur aux mots. Ses aigus, néanmoins, semblent être un peu serrés.
La soprano Chiara Skerath incarne Ilia, princesse troyenne prisonnière en Crète. Avec l'assurance de son jeu d’actrice, elle sait transmettre l’intensité de son désarroi mais aussi de sa joie lors des différents évènements de cette histoire. Sa voix résonne particulièrement bien dans la salle. Précises et agiles, ses vocalises sont, sans aucun doute, son point fort.
Serenad Uyar, soprano turque, interprète Elettra avec l'intensité de son amour fou et de sa jalousie, sentiments soutenus par la puissance de ses gestes et la détermination qu’elle instille à son regard. Sa voix ronde et étincelante, son vibrato très élégant, soutiennent une force vocale redoutable, le tout avec des aigus riches en couleur et en corps. Le fait qu'elle soit la "méchante" de l’histoire, ne l'empêche pas d'être ovationnée au moment des saluts.
Le ténor italien Antonio Mandrillo interprète Arbace, avec un timbre clair et chaleureux. Doté d’une voix souple avec des phrasés délicats, il campe le confident du roi avec grâce et conviction, malgré le fait que ses deux airs soient coupés. Le jeune ténor français Yoann Le Lan incarne le Grand Prêtre de Neptune avec une présence scénique et vocale imposante, il charme le public lors de ses courtes interventions par sa voix claire et perçante, avec une projection assurée qui lui permet de passer facilement l’orchestre. Enfin, Wojtek Smilek chante la voix informant de la décision de Neptune, une voix caverneuse et généreuse qui rend cette scène finale mystérieuse.
L’Orchestre National Avignon-Provence, sous la direction de Debora Waldman, accompagne les chanteurs avec délicatesse. Il est toujours très alerte pour leurs départs et particulièrement précis dans les tempi.
Le public applaudit les artistes avec enthousiasme, les forçant même à rajouter une dernière révérence et à retarder la clôture du rideau qui avait déjà commencé à se refermer.
Chiara Skerath | & Albane Carrère |