Decibel Oratorio, l’hommage de Fred Nevché à Mars en Baroque
Avec son Decibel Oratorio, Fred Nevché intègre dans sa musique l’esthétique Baroque dont la douceur l’a marqué à l’occasion d’un concert des Arts Florissants au Théâtre de l’Archevêché lors du Festival d’Aix-en-Provence. Ce projet qui a de quoi surprendre mûrit ainsi depuis près d'une décennie.
Dès l’entrée dans la salle, et avant même l’arrivée des artistes, la disposition de la scène met le spectateur dans l’esprit du spectacle. L’ensemble instrumental comprend, de gauche à droite (sens de lecture) pour le public : le clavecin, le violoncelle, les violes de gambe, l’orgue (électronique) et enfin les synthétiseurs Roland Juno, le tout ayant des airs de frise chronologique reliant les instruments d’hier à ceux d’aujourd’hui.
Le concert débute avec un trio de clavecin, violoncelle et viole de gambe aux accents médiévaux, comme pour poser les fondamentaux. S’ensuivent plusieurs reprises de l’album Valdevaqueros, ainsi que de nouvelles compositions. Les arrangements de David Neerman font la part belle au clavecin qui assure notamment la rythmique, en profitant de son effet pincé. Des ambiances variées, globalement assez sombres, se succèdent au gré des chansons, bien appuyées par des jeux de lumières sobres mais efficaces. Fred Nevché interpelle le public, d’abord pris au dépourvu –et sans doute peu habitué à participer aussi activement– mais finalement enthousiaste, et crée des moments de grande complicité. Le public en vient même à devenir un huitième musicien, dirigé en temps réel par Fred Nevché. En fin de concert, une adaptation de Flow my tears de John Dowland, ultime hommage au répertoire Baroque, est mise en regard d’un poème de Fred Nevché sur la guerre, d’une brûlante actualité : « Depuis que la pitié a fui, larmes, soupirs et gémissements sont mon unique espoir ». Un dernier rappel, a cappella, permet de conclure la soirée sur une note d’espoir (« c’est l’amour qui revient ») dans une atmosphère épurée et intime.
Sur le plan technique, Fred Nevché adopte des structures harmoniques simples, cherchant plutôt à créer une atmosphère en travaillant la pâte sonore afin d’habiller ses poèmes. Sa voix chaleureuse, chantée très près du micro, lui permet de déclamer ses textes avec une force intérieure, ce qui n’en est que plus poignant.
Les amateurs d’art lyrique retiennent pour leur part la performance de la soprano Lina Marcela Lopez, très maîtrisée tant sur le plan technique que musical, en dépit d’une sonorisation un peu trop marquée, mais à laquelle elle sait s’adapter. En spécialiste du répertoire baroque, elle utilise le vibrato avec retenue, et conserve un timbre très rond dans tous les registres. Sa posture droite, hormis de petits mouvements d’épaules vers le haut pour accompagner sa ligne vocale vers les aigus, contraste avec les mouvements constants de Fred Nevché.
Les parties de clavecin et d’orgue sont partagées entre Frédéric Isoletta et David Neerman. Un chorus d’orgue par Frédéric Isoletta dans la chanson L’Océan apporte au concert une petite touche jazzy. Flore Seube et Julien Lefèvre complètent l’ensemble acoustique, en assurant respectivement les parties de viole de gambe et de violoncelle, qui comporte notamment un trio avec le clavecin aux airs de cantate mélancolique.
Martin Mey enfin complète la pâte sonore aux synthétiseurs Juno, tâche plus difficile qu’il n’y paraît. Il assume également la direction de l’ensemble dans certains passages rythmiquement plus délicats.
Les applaudissements enthousiastes des spectateurs viennent saluer cette performance, qui aura de plus eu le mérite de faire se rencontrer deux publics. Le premier, plus habitué aux salles de concerts classiques, découvre un artiste atypique. Le deuxième, celui de Fred Nevché, redécouvre cet artiste (et une esthétique baroquisante) dans un contexte bien différent de celui auquel il l’a accoutumé.
Découvrez le film-captation de cette Rencontre entre musiques actuelle et baroque :