Florie Valiquette, captivante captive au Château de Versailles
Depuis le XVIe siècle et durant près de 300 ans, les corsaires barbaresques attaquent tous les navires qu’ils rencontrent aux abords des côtes de la région aujourd’hui appelée Maghreb. Pillant les marchandises, ils emprisonnent également les marins et les passagers, utilisant les hommes comme galériens et vendant les femmes sur les marchés. Ce commerce d’esclaves chrétiens par l’empire ottoman –qui ne décline qu’à partir de 1830 avec les prises françaises des comptoirs– est une source d’inspiration pour les compositeurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle (en témoignent aussi L'Enlèvement au Sérail et plus tard L'Italienne à Alger). En quête d’un style lyrique plus léger, Gluck, Grétry, Philidor y trouvent matière à répondre aux attentes du public, avec des thèmes galants (différents des inspirations mythologiques des tragédies) et exotiques, piqués par une musique rythmée aux couleurs orientales. Quelques-unes de ces Turqueries galantes de l’Opéra-Comique sont réunies ce soir au concert (comme au disque), dans la Grande Salle des Croisades, écrin abritant 125 tableaux.
Le visage expressif de la soprano Florie Valiquette, ses regards souvent malicieux et toujours charmeurs, accompagnent sa voix de satin, aux aigus intenses, parfois éclatants et néanmoins constamment chatoyants. Elle fait également entendre un registre grave moelleux, mais davantage de consonnes permettraient de mieux comprendre le texte. Aidée d’un vibrato léger et dosé avec goût, sa voix est projetée avec aisance, vers de souples et agiles vocalises, rivalisant avec l’orchestre. La captive devient captivante accompagnée de Gaétan Jarry au clavecin et de Clara Izambert-Jarry à la harpe.
La soprano est rejointe lors des deux duos par le ténor Nicholas Scott. Son origine britannique est perceptible dans son texte mais parce qu'il bénéficie d’une diction appliquée. L'articulation en vient même à prendre le dessus sur le chant qui, malgré un timbre agréable et léger avec un soupçon de candeur, fait entendre des lignes scandées à la syllabe. Ces effets de courts et systématiques crescendi contrastent avec la souplesse et la liberté des phrasés de la chanteuse.
Sous la direction comme toujours hyperactive de Gaétan Jarry (jouant du clavecin debout en sautillant ou impulsant les fougueux élans de gestes amples et très figuratifs), l’Orchestre de l’Opéra Royal bénéficie d’une acoustique particulièrement chaleureuse, grâce aux boiseries qui enchâssent les tableaux de cette salle. Si les bois semblent d’abord comme un peu surpris en début de soirée, la netteté et l’énergie des cordes suscite l’enthousiasme, tout comme les percussions, particulièrement sollicitées pour apporter la touche d’orientalisme. Malgré des parties lentes de fait en retrait, l’ensemble montre une fois encore qu’il aime la prise de risques, se laissant porter par des tempi toujours pertinents et particulièrement alertes. En interludes instrumentaux, des danses très rythmées et aux mélodies très orientales charment voire amusent.
C’est justement la bien nommée Danse générale de La Caravane du Caire que l’ensemble offre en bis, Gaétan Jarry encourageant le public à frapper des mains tandis que Florie Valiquette et Nicholas Scott rejoignent l’estrade pour danser avec un enthousiasme communicatif.