Invitation au Voyage avec Edward Liddall et Grace Durham au Musée d'Orsay
C’est un récital particulièrement intimiste que proposent les deux artistes d’outre-Manche (membres de l'Académie Orsay-Royaumont où ils ont déjà participé à une Nuit de la Mélodie et du Lied). Une invitation au voyage qui commence et s’achève sur les bords de la Méditerranée et qui suit une ligne dramatique. Les spectateurs se voient tout d’abord transportés par le répertoire classique –mais qui n’en est pas moins exotique– de Joseph Haydn avec Arianna a Naxos. S’ensuivent les Cinq Mélodies populaires grecques de Maurice Ravel puis les Mélodies tziganes de Dvořák, avant de conclure le concert avec La Dame de Monte-Carlo de Poulenc.
Seul le piano Steinway trône au centre de la scène sous une lumière tamisée projetée sur les deux artistes, vêtus d’un costume et d’un tailleur. Mais c’est justement cette sobriété qui permet de laisser toute sa place à la musique et au talent de ces deux interprètes. Le public découvre ainsi la voix de Grace Durham qui, malgré un répertoire très dense et très varié puisqu’il traverse les siècles, témoigne d’une technique particulièrement agile. Toute la difficulté de ce programme réside dans la variété de ce répertoire qui présente cependant une ligne directrice : traiter des chants populaires à la manière de Lieder (dans le cadre de la tradition classique, piano-voix). La voix puissante de Grace Durham et son ambitus ample s’allie pour ce faire, également avec la théâtralité qui marque le public présent dans l’auditorium. Grace Durham incarne avec intensité –et à l’image d’un rôle d’opéra– tous ses personnages. Sous le phrasé délicat d’Edward Liddall, la mezzo-soprano fait preuve d’une puissance dramatique et ce, même dans l’ironie de la musique de Poulenc. Le poing fermé, elle tape du pied quand il s’agit d’appuyer un fortissimo qu’elle chante avec une aisance déconcertante, comme elle déploie sa voix large et profonde sur la musique de Ravel. L’intensité de ses vocalises s’affirme comme son léger vibrato, tandis que la ligne vocale affronte, grâce à son articulation, la complexité liée à la diversité du répertoire (aussi bien en italien, en français qu’en tchèque).
Le pianiste Edward Liddall (passé par l'Académie de l'Opéra de Paris) sait trouver dans les graves une osmose avec les profondeurs de la tessiture vocale. Il guide les phrasés et le public peut même le surprendre à mimer des paroles, avec ses lèvres. Le piano et le chant poursuivent leur parcours y compris dans les nombreux chromatismes Tziganes de Dvořák, lorsque la voix se fait plus douce, ronde et légère.
C’est une ovation que le public accorde à cette expressivité romantique, l’occasion pour Edward Liddall et Grace Durham de continuer le voyage en bis, choisissant pour cela un chant populaire de leur pays, l’Angleterre, avec une aria de Benjamin Britten.