Jean-Christophe Spinosi dans une forme Olympique pour Vivaldi au TCE
Après un faux départ à l’insu de son plein gré en décembre 2020 (pour raisons de Covid-19), L’Olimpiade de Vivaldi a bien lieu ce soir sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, deuxième étape de son parcours qui le mènera jusqu’aux Jeux Olympiques de 2024. Le premier coup d’envoi du livret de Métastase en 1733-1734, connut d'emblée un très grand succès (près de soixante compositeurs le mirent en musique). L’histoire se déroule sur fond d’épreuves sportives, mais il y est davantage question de joutes amoureuses, d’amitiés trahies et d’amours contrariées donnant lieu à une variété d’airs liés aux affetti de l’âme où la beauté mélodique côtoie la virtuosité.
Jean-Christophe Spinosi, qui a fait de nouveau connaître au grand public plusieurs œuvres lyriques de Vivaldi, témoigne de son bonheur à retrouver le compositeur : « la musique (de Vivaldi est) pleine d’inspiration, d’énergie et de poésie ». L’énergie est en effet la première caractéristique de ce chef qui mène l’orchestre sans relâche dans des enchaînements resserrés entre les récitatifs et les airs, induisant une action tenant le public en haleine. Il peut compter sur l’expertise des instrumentistes de l’Ensemble Matheus qu’il a fondé en 1991. Tous se mobilisent avec cohésion pour répondre aux demandes de nuances et de contrastes extrêmes du chef. Dès l'ouverture, ils font entendre des pianissimi murmurés et des forte à la projection éclatante.
Le chef galvanise ses troupes (parfois dans un souffle audible) et propose des phrasés sans cesse renouvelés (les répétitions de notes ou de cellules rythmiques sont toujours transformées). Jean-Christophe Spinosi s’autorise certaines libertés dans l’unique but d’animer la musique et d’en extraire la charge dramatique comme par exemple le long glissando dissonant et inquiétant signifiant la folie qui s’empare de Licida à la fin du deuxième acte. Sur le qui-vive, il porte une attention toute particulière aux chanteurs en les regardant et recale immédiatement la moindre incertitude de synchronisation.
La soprano Chiara Skerath incarne Megacle dans une tenue vestimentaire aidant à discerner son rôle masculin (pantalon court, veste et nœud papillon). Si elle apparaît tout d’abord légèrement en retrait, sa prestation gagne en assurance délivrant l’intensité douloureuse des deux récits accompagnés ainsi qu’un air, aux vocalises assurées comme son amitié pour Licida qu’elle proclame fermement. Elle participe au seul duo de la soirée, faisant entendre la désolation de son personnage aux côtés d’Aristea interprétée par la contralto Margherita Maria Sala. D’un tempérament bien trempé et d’une voix résonante, toutes ses interventions sont accompagnées d’un engagement soutenu aussi bien dans la fureur d’être abandonnée que lorsqu’elle se lamente sur son sort, son timbre se mariant aux deux cors venant soutenir cette plainte.
Carlo Vistoli prête sa voix de contre-ténor aux divers affetti traversant le personnage de Licida. La rondeur et la délicatesse de son timbre invite Megacle au repos dans l’air de sommeil “Mentre dormi, Amor fomenti” et il impressionne également dans son air de folie, menant sa voix lyrique et vibrante dans un crescendo d’intensité jusqu’au cri déchirant achevant le deuxième acte.
La contralto Benedetta Mazzucato incarne Argene de sa voix grave au timbre défini. Abandonnée par Licida, elle n’est tout d’abord que plaintes, renforcées par ses silences habités. Son personnage évoluant, elle fulmine en vocalises implacables dans une projection impressionnante contre Aminta, interprétée par la soprano Marlène Assayag. Dès son premier air, celle-ci fait entendre une voix homogène aux aigus aisés, soutenant la délicatesse des mélismes d’inquiétude face aux dangers de la passion amoureuse. Elle évoque l’inconstance de l’amour en balayant toute sa tessiture de vocalises assurées, convoquant souplement le suraigu pour les da capo (reprises) ornés.
Le baryton Riccardo Novaro incarne le roi Clistene d’une voix pouvant dans un premier temps manquer de la brillance nécessaire à la projection de ce personnage royal. Cependant, son jeu et son interprétation non dénuée d’humour, apportent toute l’épaisseur au personnage. Son confident Alcandro est chanté par Luigi de Donato qui impressionne de par son registre de basse puissant et développé. C’est avec grande autorité qu’il incarne son personnage, porteur de nouvelles alarmantes.
Les deux brèves interventions du Chœur de chambre Mélisme(s) permettent au public d’apprécier la précision d’ensemble des douze chanteurs ainsi que la fin heureuse de l’opéra (c’est le peuple qui décide l’acquittement de Licida). Le chœur final est repris pour un bis festif répondant à l’ovation du public. L’Olimpiade va poursuivre sa route jusqu’aux JO en prenant différentes formes : version concert, ballet, enregistrement…
Standing ovation à la fin de lOlimpiade de Vivaldi, interprétée au @TCEOPERA par lEnsemble Matheus dirigé par Jean-Christophe Spinosi, avec Carlo Vistoli, Chiara Skerath, Marlène Assayag, Benedetta Mazzucato, Margherita Maria Sala, Riccardo Novaro et Luigi de Donato. pic.twitter.com/rPqW4lBAWb
— Yann Ollivier (@YannOllivier) 17 février 2022