Adieux sereins de Lionel Sow à la Philharmonie de Paris
C'est d'un pas tranquille et tout en discrétion que Lionel Sow quitte la scène de la Philharmonie de Paris à l'issue de ce concert qui marque pourtant la fin de sa décennie (2011-2021) à la tête du Chœur de l'Orchestre de Paris. Sa discrétion est telle que c'est Daniel Harding qui était venu le chercher pour saluer. C'est le chef d'orchestre qui fait également le discours de la soirée, rendant hommage au chef de chœur avec lequel il a travaillé durant les trois années communes de leur mandat (2016-2019), il cite en exemple ce "musicien, aussi bon qu'adoré et exigeant, qui allie rien moins que le travail et l'énorme humanité." L'ovation pour Lionel Sow est aussi unanime parmi le public que parmi les musiciens (sept pages de témoignages et d'hommages occupant avec une justesse vibrante le programme de salle). Et pourtant, Lionel Sow entre discrètement, n'avançant pas même jusqu'au milieu de la scène, faisant tomber ses lunettes d'émotion, repartant avec la discrétion même de son métier (qui prépare les voix), repartant d'un pas calme et lent : et pour cause, il lui reste huit mois pour parcourir tranquillement le chemin qui le mènera d'une rive à l'autre de la capitale (Lionel Sow vient tout juste d'être nommé Directeur musical du Chœur de Radio France à compter du 1er septembre 2022).
Le travail de l'ombre n'en est pas moins acharné et essentiel, comme en témoignent nos articles consacrés saison après saison à ce Chœur, comme en témoigne aussi en point d'orgue la résilience de ce concert, contraignant les choristes à chanter masquer, imposant un changement de programme de dernière minute en supprimant un des deux morceaux vocaux, mais tenant pourtant bon, maintenant le Schicksalslied de Johannes Brahms et ajoutant son Geistliches Lied en bis et en cadeau pour le chef. Ces titres (littéralement le Chant du destin et le Chant de l'esprit) ne sauraient être mieux choisis pour ce concert d'adieu apaisé, tant aussi ces morceaux de Brahms s'inscrivent dans cet esprit (prolongeant celui de son Requiem). Dans le second Lied, les voix du Chœur d'enfants et de jeunes de l'Orchestre de Paris (ouverture à la jeunesse de cette chorale voulue par Lionel Sow) lui rendent la couleur angélique mais déjà caractérisée dans le timbre et la ligne sur des paroles évocatrices : "Ne te laisse pas envahir par la douleur. Reste calme, Dieu l'a voulu" chantés comme des hymnes de circonstance avec toujours autant de douceur que de justesse. Enfants et adultes déploient une harmonie équilibrée et à l'unisson des couleurs, dans un son délicat dont l'effet feutré par le port du masque traduirait presque l'impression cotonneuse du paradis chanté dans le texte. Même l'aigu clairet du pupitre soprano contribue à l'effet global, dont la souplesse contrepointe toutes les douleurs du poème.
Avant cette fin vocale, le morceau orchestral remplaçant le Nachtlied de Schumann est lui aussi un cadeau, la Siegfried-Idyll offerte par Wagner à sa femme Cosima pour son anniversaire et pour lui avoir donné un fils nommé Siegfried.
L'événement du soir est donc l'hommage au Chœur et à son chef, au point que le Concerto pour violon d'Edward Elgar avec le célèbre soliste Renaud Capuçon est ici donné en première partie. De fait, le lyrisme déployé par le soliste et par l'Orchestre semble mis au service des adieux choraux. Le déploiement en est immensément lyrique : ce Concerto de presque une heure déploie des sommets qui savent toujours revenir à la nostalgique douceur. À l'image sans doute des souvenirs que tous garderont à la Philharmonie du travail de Lionel Sow.
Hier à la @philharmonie le grand et tant aimé Lionel Sow a fait ses adieux au @ch_OrchParis après 10 ans dune direction musicale et humaine hors du commun ! Merci et bravoLionel ❤️ Merci @djharding davoir participé à cet hommage avec talent @OlivierMantei @OrchestreParis pic.twitter.com/nnAvLToaCL
— Chanteurs du Chœur de l'Orchestre de Paris (@ch_OrchParis) 24 décembre 2021