Ursule et Hirsute, Polis et participatifs à l’Opéra de Liège
L’Opéra de Liège est friand d'opéras participatifs s'inscrivant dans le cadre de sa dynamique action pour son jeune public, et il a proposé pour la première fois en 2018 un concours ouvert aux jeunes compositeurs belges, récemment diplômés ou encore en classe de conservatoires. Le prix pour le lauréat, la maison et le public, en est la nouvelle commande de ce spectacle. Sur un livret de l’auteur-compositeur-interprète André Borbé (reconnu en Belgique avec ses chansons pour enfants), c’est la proposition de Lionel Polis qui est donc retenue pour emmener petits et grands dans un monde imaginaire, peuplé de monstres et d’humains. En se rencontrant dans une sombre forêt, le monstre Hirsute et la fillette Ursule, tous deux malheureux de ne pas trouver grâce aux yeux de leurs parents, découvrent que, finalement, monstres et humains ne sont peut-être pas si différents : les monstres ne sont pas si méchants et les humains peuvent l’être parfois tout autant.
La jeune Ursule est interprétée par la soprano Louise Foor, qui incarne également la « parfaitement » méchante monstre Broussaille. Sous son masque de monstre, son vibrato se fait très présent, mais sa voix gagne en ampleur et en clarté de diction une fois le masque enlevé pour interpréter la fillette avec légèreté et même des aigus chatoyants. Le rôle du gentil monstre Hirsute est endossé par le ténor Geoffrey Degives, au timbre charmeur dans les graves, aussi moelleux que dans ses clairs aigus. Il est néanmoins fort dommage que sa voix devienne trop souvent inaudible, manquant de projection et se faisant facilement couvrir par l’orchestre.
La mezzo-soprano Marie-Catherine Baclin a compris combien son masque pouvait nuire à sa projection, et elle n’hésite dès lors pas à le relever un peu, quitte à révéler son visage, mais aussi son chant d'une certaine chaleur et même tendresse en Mme Coupenette (indigne mère d’Ursule). Le vibrato est même encore plus ample lorsqu’elle est Mme Granvelu, monstrueuse mère d'Hirsute. Elle charme néanmoins son jeune public en maîtresse de petits monstres avec un timbre lumineux et soyeux. Enfin, le baryton Patrick Delcour possède la voix sombre et autoritaire nécessaire à ses rôles de Messieurs Granvelu et Coupenette.
Manifestant une agréable et belle maîtrise de l’orchestration par une séduisante inventivité mélodique, Lionel Polis signe ici une œuvre d’une cinquantaine de minutes qui convainc son public. Les partitions instrumentales, défendues par quelques-uns des musiciens de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège et de talentueux étudiants de l’Institut royal supérieur de musique et de pédagogie de Namur, créent de douces ambiances et rythment avec pertinence et fluidité l’ensemble de la soirée. Les cinq chants participatifs dynamisent la représentation et l'investissement de la salle. Des spectateurs sont venus répéter une heure avant le spectacle avec Audrey Dor, animatrice des projets éducatifs, et d'autres ont visiblement appris les cinq chants à l'école ou en famille grâce au rayonnement des actions de la maison, car de nombreux enfants (et même parents) connaissent déjà ces chants par cœur.
Le chef d’orchestre Ayrton Desimpelaere, ancien chef assistant de l’Opéra de Liège, sait encourager avec bienveillance tous les chanteurs amateurs, qui peuvent de surcroît compter sur le soutien de la Maîtrise de l’Opéra Royal, préparée avec soin par Véronique Tollet.
La mise en scène conçue par Vincent Dujardin peut également compter sur les amusants costumes de Fernand Ruiz, les décors fantastiques, en simple carton mais à la suggestion très efficace, de Dimitri Shumelinsky, mis en valeur par les lumières de Sylvain Geerts. Le public est notamment charmé par la sombre forêt de lustres et d’horloges, invitant au rêve et achevant de conquérir les enfants ravis d'avoir pu assister et contribué à une véritable œuvre lyrique.
Introduction et 1er chant :